"La Nuit de Maritzburg" de Gilbert Sinoué
« La plupart des gens que l’on croise au cours d’une existence ne vous laissent que peu de souvenirs, sinon aucun. D’autres vous effleurent le cœur. Mais un seul être grave en vous une empreinte que rien n’effacera. Il en fut ainsi de l’homme que j’ai connu, seule raison de ces pages. » [*]
Dans La Nuit de Maritzburg, Gilbert Sinoué, écrivain prolifique capable d’excellentes vulgarisations ou biographies historiques (j’en connais par exemple Erevan ou La Dame à la lampe), donne la parole à Hermann Kallenbach, architecte juif allemand qui rencontra Gandhi, et en fut très proche, en Afrique du Sud.
En effet, la ville et la gare de Pietermaritzburg évoquent la nuit où, en 1893, Gandhi fut expulsé d’un train car, n’étant pas blanc, il voyageait en première classe : on sait que cette humiliation déclencha en lui la volonté de se battre contre les discriminations faites aux Indiens dans l’Afrique du Sud où il venait d’arriver comme avocat.
Cet épisode figure d’ailleurs en bonne place du film Gandhi de Richard Attenborough mais le roman de Gilbert Sinoué se consacre lui essentiellement à la période sud-africaine (1893-1915), plus de vingt ans, de la vie du Mahatma.
On comprend comment déjà les lectures de Léon Tolstoï (Le Royaume des Cieux est en vous) ou de John Ruskin (Unto This Last) l’influencèrent grandement et combien tous les combats de ces nombreuses années en Afrique du Sud le préparèrent à la suite de son retour en Inde.
On découvre aussi la personnalité d’Hermann Kallenbach (1871-1945) qui se dévoua corps et âme au satyagraha développé par Gandhi, en y adhérant et en en acceptant les contraintes, au point de penser que l’empreinte sur lui du grand homme tourna parfois à une emprise et, incontestablement, à une relation d’amour intense et religieuse.
À la fin de sa vie, Kallenbach s’engagea dans un sionisme militant que Gandhi ne soutint jamais vraiment.
Michel Sender.
[*] La Nuit de Maritzburg de Gilbert Sinoué, éditions Flammarion, Paris, mars 2014 ; 464 p., 21 €.