"Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" de Haruki Murakami

Publié le par Michel Sender

"Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" de Haruki Murakami

« Je suis né le 4 janvier 1951. La première semaine du premier mois de la première année de la seconde moitié du XXe siècle. Cette date de naissance significative me valut d’être prénommé Hajime, ce qui signifie « commencement ». Cela mis à part, aucun événement notable n’accompagna ma venue au monde. Mon père était employé dans une société de courtage, ma mère était une ordinaire femme au foyer. Mon père, mobilisé pendant la guerre dans un contingent d’étudiants, avait été envoyé se battre à Singapour. À la fin des hostilités, il était resté interné quelque temps dans un camp de prisonniers. La maison de famille de ma mère avait complètement brûlé à la suite d’une attaque aérienne par un B29, la dernière année de la guerre. La génération de mes parents avait beaucoup souffert de cet interminable conflit. » [*]

 

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil (le début du titre fait référence à South of the Border, un morceau de Nate King Cole) de Haruki Murakami reste un roman extrêmement déroutant et attachant.

Le livre débute comme les souvenirs d’enfance d’un « enfant unique » (ce qui fut le cas de Murakami) et de son attachement pour Shimamoto-san (Mademoiselle Shimamoto), jeune fille rencontrée avant le collège puis perdue de vue.

Le narrateur bifurque ensuite, au lycée, sur son amour pour Izumi, qu’il trahira en ayant d’intenses relations sexuelles avec sa cousine, étudiante à Kyoto.

Après l’Université, et alors qu’il s’ennuie dans un travail routinier au sein d’une maison d’édition scolaire à Tokyo, Hajime rencontre Yukiko, qu’il épouse et dont le père l’aide à devenir gérant d’un club de jazz (ce que fut également Murakami).

Et c’est là que réapparaît Shimamoto-san, avec qui il vivra une liaison torride, avant qu’elle ne disparaisse totalement — après lui avoir avoué qu’elle souffrait d’Hysteria siberiana, une maladie qui force à marcher jusqu’à l’épuisement et la mort « vers l’ouest du soleil »

Le récit, très ancré dans un quotidien banal, alterne ainsi avec des séquences d’une étrangeté mystérieuse, voire fantastique, et les sensations déprimantes d’une réalité incongrûment normale avec laquelle le héros cherche à transiger.

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil semble une partie transitoire dans l’œuvre de Haruki Murakami (qui travaillait alors également à un très long ouvrage, Chroniques de l’oiseau à ressort, paru au Japon en trois volumes de 1994 à 1995), une petite forme qui frappe néanmoins par son originalité et la boulimie narrative qui caractérise son auteur.

 

Michel Sender.

 

[*]  Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil de Haruki Murakami (Kokkyô no minami, taiyô no nishi, 1992), traduit du japonais par Corinne Atlan [Belfond, 2002], éditions France Loisirs, Paris, novembre 2010 ; 288 pages.

Publié dans Littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article