"Howards End" de E. M. Forster

Publié le par Michel Sender

"Howards End" de E. M. Forster

« Les très pauvres ne nous concernent pas ici. Ils sont impensables : la statistique et la poésie seules les approchent. Les personnages de ce roman appartiennent à la bonne société ou doivent feindre de lui appartenir. » [*]

 

Venant après A Room with a View (Avec vue sur l’Arno, voir ce blog le 14 avril 2020), Howards End, rédigé à Weybridge en 1908-1909, est le quatrième roman d’Edward Morgan Forster (1879-1970).

On y retrouve l’Angleterre compassée du temps d’Édouard VII mais avec l’ouverture d’esprit qu’y apporte la famille Schlegel, originaire d’Allemagne, et dont les deux sœurs, Hélène et Margaret, symbolisent une nouvelle façon de voir et de penser ainsi qu’un brin de folie lié, avec leur frère Tibby, à leur intérêt pour la culture universelle (musique, philosophie, poésie).

C’est d’ailleurs Hélène, la plus jeune et la plus fantasque des sœurs, qui, invitée chez les Wilcox à Howards End après une rencontre en Rhénanie, déclenche l’histoire en s’amourachant soudainement, et brièvement, d’un des fils Wilcox, Paul. La tante Julie, envoyée en urgence, désamorce la crise comme elle peut, surtout aidée par la force morale de leur mère.

Car en effet Mrs. Wilcox exerce une extrême influence sur son entourage, par sa sérénité, sa sagesse et son discernement. Ainsi, lors d’une nouvelle rencontre inopinée avec les Schlegel, elle se rapprochera petit à petit essentiellement de Margaret, au point de la marquer profondément et, avant de mourir, de lui léguer Howards End, sa propriété dans le Hertfordshire, au nord de Londres desservi par la gare de King’s Cross : « En elle comme en nombre de ceux qui ont longtemps habité une capitale, les grandes gares éveillaient de profondes résonnances, écrit E. M. Forster. Elles sont pour nos villes les portes ouvertes sur la splendeur et sur l’inconnu. (…) À Margaret — j’espère que le lecteur ne lui en voudra pas — la gare de King’s Cross avait toujours suggéré l’Infini. »

Or Le Legs de Mrs. Wilcox (Charles Mauron avait choisi ce titre pour sa traduction française de Howards End) va influencer toute la suite du roman, dans l’entente et le mariage entre Margaret et Mr. Wilcox, ainsi que dans les épisodes des relations grotesques et maladroites avec Leonard Bast et sa femme Jacky…

Il est difficile et non souhaitable d’épuiser toutes les richesses de Howards End, ce livre majeur qui, plus d’un siècle après sa composition, nous fascine par son intelligence et sa dextérité.

 

Michel Sender.

 

[*] Howards End (1910) [Le Legs de Mrs. Wilcox] d’E. M. Forster, traduction de l’anglais par Charles Mauron [« Feux croisés », Plon, 1950], édition présentée et annotée par Catherine Lanone, Le Bruit du Temps, Paris, août 2015 ; 440 pages, 25 €.

"Howards End" de E. M. Forster

L’édition Christian Bourgois de 1992 — avec, en couverture, une photographie du film Retour à Howards End de James Ivory — est manifestement un reprint de la première édition « Feux croisés ».

Publié dans Littérature

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