"Le Cœur cambriolé" de Gaston Leroux

Publié le par Michel Sender

"Le Cœur cambriolé" de Gaston Leroux

« Mes fiançailles avec Cordélia

Nos parents nous avaient fiancés dès notre plus jeune âge. Quand j’avais douze ans et qu’elle en avait huit, on disait déjà, autour de nous, que nous formions un couple charmant, et nos mères nous admiraient. Nous aurions voulu nous marier tout de suite, tant nous nous aimions. Nous étions cousins germains et nos familles nous réunissaient pendant les vacances. À cette époque, Cordélia m’avait déjà donné son cœur, son petit cœur de huit ans. » [*]

 

Après avoir relu un peu Maurice Leblanc, j’ai eu envie de replonger dans Gaston Leroux (1868-1927), celui du Fantôme de l’Opéra ou de La Poupée sanglante et de La Machine à assassiner.

Très court roman ou longue nouvelle, Le Cœur assassiné ressort d’une grande tradition d’imagination fantastique (anglo-saxonne et française) qui distille petit à petit l’étrangeté et l’angoisse.

Au commencement, tout est simple. Le narrateur, Hector, nous parle de ses projets de mariage avec Cordélia, sa cousine germaine et amie d’enfance : quoi de plus banal ?

Mais, assez vite, tout se dérègle : Hector est obligé de partir cinq ans aux États-Unis, puis au service militaire, ensuite de nouveau en Amérique pour un stage ; à son retour, Cordélia est en voyage dans le Tyrol et, enfin, quand le mariage a lieu, rien ne va…

Cordélia semble comme absente et, pendant la nuit de noces, elle tombe en catalepsie, ce que le médecin, le docteur Thurel, qualifie de « sommeil hypnotique rigide » ; et, quand elle revient à elle, il ajoute : « Si vous l’embrassez, embrassez-la comme un frère. »

Finalement, il s’avère que Cordélia, à distance, serait sous l’influence d’un peintre qui a fait son portrait et la maintient sous emprise psychique, au point qu’elle quitte virtuellement son foyer pour le rejoindre dans une « chambre en or » ; « l’esprit de Cordélia se promenait avec la pensée d’un autre ! » nous dit Hector, avant d’intituler un de ses chapitres : Le bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve.

Et bien sûr tout cela ne peut que mal se terminer.

Cependant, dans Le Cœur cambriolé, Gaston Leroux se découvre un romantique et rejoint le Théophile Gautier de Spirite.

 

Michel Sender.

 

[*] Le Cœur cambriolé [dans Je sais tout de janvier 1920 ; en volume chez Pierre Lafitte (avec Une histoire épouvantable et La Hache d’or), 1922] de Gaston Leroux, lecture accompagnée par Christian Jacomino, « La bibliothèque Gallimard », éditions Gallimard, Paris, mai 2003 ; 224 pages.

Publié dans Littérature

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