"La Rue du Chat-qui-pêche" de Yolande Foldes

Publié le par Michel Sender

"La Rue du Chat-qui-pêche" de Yolande Foldes

« Rue du Chat-qui-pêche… une rue pour rire ; on la traverse en deux pas ; en moins de trente, on la parcourt ; mais on trouve à Paris de ces étonnantes ruelles pas plus longues que la queue d’un lapin, et cela non seulement dans les faubourgs, mais même en plein centre, tout près des voies animées. La rue du Chat-qui-pêche aboutit à la Seine, reliant le quai Saint-Michel à la petite mais très vivante rue de la Huchette. En débouchant sur le quai, vous avez les deux tours massives et les gargouilles de Notre-Dame à votre droite, et le mur de la préfecture de police en face. Ce qui prouve bien que cette rue est située dans un quartier honorable et au cœur même de la ville. » (Début du chapitre II.) [*]

 

Arrivés en train de Budapest, après un passage à Vienne, la famille Barabas s’installe à Paris, d’abord dans un hôtel rue de la Huchette, puis, à côté, dans un appartement de la rue du Chat-qui-pêche.

Le père, Gyula, ouvrier fourreur, est venu en France car on lui a dit que le métier payait bien : en fait, au début, parce qu’il est étranger, il touchera un tarif inférieur.

Sa femme, Boriska, ancienne sage-femme qui n’exerçait plus depuis une dizaine d’années, va trouver un emploi de blanchisseuse.

Le couple a trois enfants : Anna (« Annouchka »), douze ans en 1920, au commencement du livre ; Jani (très vite, il se fera appeler Jean), neuf ans ; et Klari, sept ans.

Les plus jeunes, Jani et Klari, intègrent des écoles publiques, tandis qu’Anna s’embauche comme apprentie couturière dans une boutique parisienne…

Mais, dès leur arrivée au petit hôtel rue de la Huchette, la famille hongroise a sympathisé avec d’autres immigrés, le plus souvent des réfugiés : par exemple, M. Bardichinov, ancien banquier russe qui donne des cours de français ; M. Liiv, « Lithuanien et socialiste », ancien professeur de mathématiques ; un anarchiste espagnol ; M. Papadakis, Grec d’Asie mineure ; un étudiant bulgare ; Vassia (jeune chauffeur de taxi qui mourra dans un accident) et Fédor, aristocrate polonais ; la fille d’un ministre italien…

Il y a aussi des compatriotes hongrois, mais pas toujours très honnêtes, comme Istvan, jeune homme très entreprenant qui plaît beaucoup à Anna, mais qui, pris dans une escroquerie, se retrouve en prison.

En tout cas, une solidarité spontanée se met en place, notamment quand Mme Barabas est hospitalisée pour une tumeur, ou chaque fois que les circonstances l’exigent.

Cependant, parfois des vagues de xénophobie se produisent. Ainsi, M. Barabas et Anna, tous les deux licenciés, font une tentative (un échec cuisant) d’installation en Argentine, puis, essayent (nouvelle déconvenue) de rentrer au pays. À chaque fois ils reviennent rue du Chat-qui-pêche…

Paru en Hongrie en 1935, La Rue du Chat-qui-pêche obtint un grand prix international et devint un best-seller mondial — adapté en français chez Albin Michel par Denise van Moppès, plutôt traductrice de l’anglais ou de l’allemand, très chevronnée —, ce qui permit plus tard à  Jolán Földes de partir en Angleterre.

Son roman La Rue du Chat-qui-pêche, chronique bienveillante et humaniste de la vie d’étrangers en France de 1920 à 1934 (l’attentat contre le roi de Yougoslavie à Marseille nous permet d’en dater la fin), demeure aujourd’hui encore une œuvre importante et riche d’enseignements, à ne pas oublier.

 

Michel Sender.

 

[*] La Rue du Chat-qui-pêche (A halászó macska uccája, 1936) de Yolande Foldes, version française de Denise van Moppès [Albin Michel, 1937], Le Livre de Poche, Paris, 1957 ; 448 pages.

"La Rue du Chat-qui-pêche" de Yolande Foldes

La Rue du Chat-qui-pêche a été réédité en 1992 chez In Fine.

Publié dans Littérature

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