"L'Attentat" de Harry Mulisch

Publié le par Michel Sender

"L'Attentat" de Harry Mulisch

« Loin, bien loin, au fond de la Seconde Guerre mondiale, un certain Anton Steenwijk habitait avec son frère et ses parents en lisière de Haarlem. Le long d’un quai qui bordait un canal sur une centaine de mètres puis décrivait une faible courbe pour redevenir une rue ordinaire, quatre maisons se dressaient, assez rapprochées. Les jardins qui les entouraient, leurs balcons, leurs bow-windows et leurs toits pentus leur donnaient l’allure de villas, malgré leurs dimensions plutôt modestes ; à l’étage, toutes les pièces étaient mansardées. Elles étaient lépreuses et un peu délabrées car, même dans les années trente, on ne les avait plus guère entretenues. Chacune d’elles portait un de ces noms fleurant bon l’innocence bourgeoise propre à des jours moins troublés :

Beau Site    Sans souci    Qui l’eût cru    Mon Repos. » [*]

 

L’Attentat de Harry Mulisch (1927-2010), un livre des années quatre-vingt, traite de la mémoire traumatique créée par un événement dramatique ayant eu lieu dans l’enfance ou l’adolescence.

En l’occurrence, Harry Mulisch remonte en janvier 1945, durant les derniers mois de l’occupation allemande des Pays-Bas, où Anton, un jeune garçon qui habite Haarlem, près d’Amsterdam, voit sa vie basculer en quelques minutes.

Un policier hollandais, fasciste et collaborateur notoire, est abattu dans leur rue devant la maison de leurs voisins, puis déposé devant chez eux par ces mêmes voisins qui ne veulent pas être mis en cause.

Son frère Peter essaye d’intervenir en récupérant le pistolet de la victime mais il n’a pas le temps d’agir ; il est tué par les feldgendarmes qui le prennent pour l’agresseur, tandis que la maison de ses parents est incendiée en représailles.

Séparé d’eux avant d’être recueilli par son oncle, il apprendra plus tard que son père et sa mère ont été exécutés comme otages…

Ainsi, malgré de bonnes études (il devient médecin) et un mariage satisfaisant, Anton ne cesse de revenir dans sa tête à ce qui s’est passé en 1945.

Nous le retrouvons en diverses périodes de sa vie (1952, 1956, 1966 et 1981) où, chaque fois, le souvenir de la disparition de son frère et de ses parents, ainsi que les circonstances brutales de leur mort, et de nombreuses interrogations sur l’attitude de ses voisins, reviennent à la surface et le hantent.

En fait, au fil des années qu’il évoque dans la vie d’Anton, Harry Mulisch se sert des événements politiques marquants du pays pour noter la progression de son parcours personnel qui ressemble de plus en plus à une enquête d’investigation.

1952 n’est qu’une de ses premières années de Médecine, mais 1956 symbolise d’importantes manifestations anti-communistes après l’insurrection de Budapest écrasée par les Soviétiques. En 1966, Amsterdam connaît de violents affrontements liés au mouvement « provo » et 1981, qui termine le récit, nous plonge dans une monumentale mobilisation pacifique contre l’armement nucléaire…

Ces insertions démontrent sans aucun doute l’engagement politique de l’auteur qui, surtout, les enserrent dans une réflexion profonde sur comment l’actualité, l’histoire et ses ravages nous influencent et nous forment.

 

Michel Sender.

 

[*] L’Attentat (De Aanslag, 1982)  de Harry Mulisch, traduit du néerlandais par Philippe Noble [Calmann-Lévy, 1984], éditions Presses Pocket, Paris, septembre 1986 ; 224 pages.

Publié dans Littérature

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