Liberté pour Boualem Sansal
« Le cimetière n'a plus cette sérénité qui savait recevoir le respect, apaiser les douleurs, exhorter à une vie meilleure. Il est une plaie béante, un charivari irrémédiable ; on excave à la pelle mécanique, on enfourne à la chaîne, on s'agglutine à perte de vue. Les hommes meurent comme des mouches, la terre les gobe, rien n'a de sens.
Ce jour-là, comme les jours précédents, on enterre de nouvelles victimes du terrorisme. Il sévit à grande échelle. Cette animosité n'a pas de nom, à vrai dire. C'est une guerre si on veut ; une fureur lointaine et proche à la fois ; une hérésie absurde et vicieuse qui s'invente au fur et à mesure ses convictions et ses plans ; une monstruosité à l'avidité spectaculaire qui se délecte de l'innocent et boude les crapules. Ses acteurs ? Un peu tout le monde et personne dont on puisse dire : c'est lui, c'est cet homme. Tous la subissent, s'en lamentent et la condamnent, mais aussi tous soutiennent qu'elle est loin d'avoir atteint ses buts, qu'il y a lieu de pousser les feux et, dans l'ardeur des gémissements, en profitent pour exhorter à un dernier effort.
Nous l'appellerions génocide, n'était le refus des acteurs. » [*]
Durant l’interruption de la tenue de ce blog, j’avais lu (je crois que c’était dans son édition France Loisirs trouvée en bibliothèque) Le Village de l’Allemand de Boualem Sansal, un roman remarquable et passionnant.
C’est pourquoi fin 2015 j’avais acheté le volume « Quarto » de ses romans (sans tous les lire) et 2084, la fin du monde, un livre pour lequel, en revanche, je n’ai jamais accroché. Depuis, je l’avoue, je n’ai plus suivi ses publications.
Ces derniers temps, à l’annonce de son arrestation en Algérie, j’ai repris le volume « Quarto » de ses premières œuvres pour m’y replonger intensément.
Aujourd’hui, je suis à la fois frappé par l’aspect quasiment roman policier du Serment des barbares ou par l’introspection intimiste de Rue Darwin, cette chronique du quartier Belcourt (celui où habita Camus) à Alger, des souvenirs d’enfance, de la mémoire… à l’écriture prégnante.
Alors, Boualem Sansal, arrêté, emprisonné en Algérie ?
Impensable, inadmissible, idiot.
Il faut très vite qu’il soit libéré, tout simplement.
Revendiquons-le bien fort !
Michel Sender.
[*] Le Serment des barbares de Boualem Sansal [éditions Gallimard, 1999] dans : Boualem Sansal, Romans 1999-2011, préface de Jean-Marie Laclavetine, collection « Quarto », éditions Gallimard, Paris, septembre 2015 ; 1248 pages, 29 €.