Bonjour Françoise Sagan
« Je fais partie des dix ou quinze ou vingt pour cent de Français ou d’êtres humains qui, devant un cheval, éprouvent un mélange d’admiration, d’exultation et de ferveur tout à fait à part. Le cheval, dans tous les sens du mot, me transporte. Que ce soit dans les vieux westerns, que ce soit dans les concours hippiques, que ce soit sur les champs de courses, l’arrivée, le passage de ces animaux si beaux, si déliés, si forts et si fragiles – cette grâce, cette nervosité, cette respiration –, quelque chose de fier, d’un peu farouche, cette crinière, cette robe me fascinent et me touchent. »
C’est Françoise Sagan (1935-2004) qui nous parle (ici, dans un texte intitulé tout simplement « Le cheval ») dans un recueil du Livre de Poche, Bonjour New York suivi de Maisons louées [*], repris lui-même de volumes des éditions de L’Herne republiant des articles parus dans Elle, Égoïste, Vogue, L’Express, L’Humanité ou Senso.
Cela fera cinq ans, en septembre, que Françoise Sagan est morte, et la relecture de ses romans ou la redécouverte de ses textes épars ne nous lassent pas. De même, d’ailleurs, que le témoignage par exemple d’Annick Geille (Un amour de Sagan, chez Pauvert) ou la remarquable évocation de Marie-Dominique Lelièvre, Sagan à toute allure, parue chez Denoël et reprise récemment en « Folio ».
Car Françoise Sagan, passés le bruit et la fureur des événements de sa vie, reste (et restera) un grand écrivain. Si vous reprenez ou consultez notamment Derrière l’épaule, vous verrez combien elle savait parler d’elle-même et de ses livres avec intelligence et lucidité. Et puis, c’est un fait, elle écrit bien – et nous pouvons l’entendre, dans notre mémoire, un peu (ne riez pas) comme Marguerite Duras...
« C’est un sentiment que nous avons en commun, Rousseau, Rimbaud, Landru, Proust, Madame de Sévigné, Hitler, Churchill, Néron et moi-même. Un sentiment qui passe par tous les sens et qui est le plus pur, le plus éthéré qui soit. Un sentiment... » : elle ose ainsi aborder, cavalièrement, « La nature ». Ou encore « La vie de province » : « Que la vie de province est douce et reposante ! Depuis huit jours, j’ai retrouvé la petite bourgade de Saint-Tropez, dans le Var, où je viens habituellement passer mes vacances et en même temps j’ai retrouvé le délicieux parfum des vieilles choses : rues tortueuses, visages unis, commerçants empressés, non, rien n’a changé. Après Paris et ses ouragans, quel soulagement de retomber en cette petite ville tranquille où l’inattendu est impossible ! Angoulême au bord de l’eau. »
On ne nous donne pas la date de tous les textes, mais il y en a certains (la série Bonjour Naples, Bonjour Capri et Bonjour Venise remonte à 1954 dans Elle ; Bonjour New York à 1956) qui ont plus de cinquante ans.
Mais son fils, Denis Westhoff, a bien raison quand il écrit : « Il me semble que son œuvre n’a pas pris une ride et qu’elle garde toute sa place auprès de nos contemporains. »
Allez-y voir !
Michel Sender.
[*] Bonjour New York suivi de Maisons louées de Françoise Sagan, avant-propos de Denis Westhoff, collection « Biblio », Le Livre de Poche, Librairie Générale Française, Paris, mai 2009 ; 96 pages, 4,50 €. www.livredepoche.com