La philosophie de l'histoire de Hegel
« Messieurs,
L’objet de ces cours est l’histoire mondiale philosophique – l’histoire mondiale universelle elle-même, qu’il doit s’agir pour nous de parcourir. Ce ne sont pas des réflexions générales sur cette histoire et sur son contenu, dont nous prendrions des exemples pour les clarifier. Notre objet est le contenu de l’histoire mondiale lui-même.
Je ne puis me fonder ici sur aucun manuel. »
Le site Rue89 www.rue89.com titrait récemment sur « Le grand retour de Karl Marx et de son Capital » qui, paraît-il, se vend (et se lit ?) actuellement du fou de dieu ! Eh bien préparez-vous aussi à Hegel-le-Retour...
Mais peut-être me trompe-je, car il n’est pas sûr que l’édition de La Philosophie de l’histoire [1] de Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) dans « La Pochothèque » du Livre de Poche devienne un best-seller ! (La Raison dans l’histoire, commentée, traduite et préfacée en 1965 par Kostas Papaioannou pour la collection « 10/18 » se vend, je crois, toujours.)
En effet, depuis l’édition posthume princeps de 1837 due à Eduard Gans chez Dunder et Humblot à Berlin des Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte (Leçons sur la philosophie de l’histoire), le monde de l’hégélianisme a beaucoup évolué et retravaille continuellement les sources et les manuscrits.
Car la première particularité de La Philosophie de l’histoire est de ne pas avoir été publiée du vivant de Hegel et la seconde (hors les introductions manuscrites) qu’il s’agit de transcriptions de cours, à une époque où il n’y avait pas de magnétophones ! Par ailleurs, comme il existe plusieurs transcriptions de ces cours, les éditeurs ont souvent réalisé des compilations des différentes versions pour donner un contenu cohérent – ce sont la plupart du temps en quelque sorte ces résumés qui ont été le plus diffusés !
Pour toutes ces raisons, Myriam Bienenstock et son équipe, après les Introductions manuscrites (1822, revu en 1828 ; 1830-1831), ont choisi de traduire essentiellement la Transcription du cours de 1822-1823 détenue dans le Fonds Victor-Cousin de la Bibliothèque de la Sorbonne et due à Heinrich Gustav Hotho (1802-1873), philosophe et historien de l’art, qui fut un élève de Hegel à l’université de Berlin et dont il édita notamment l’Esthétique. Il remit à Victor Cousin, en France, certains de ses cahiers des cours de Hegel...
Une fois ces données de base sur l’histoire et les circonstances de ce livre (pour moi toujours quelque chose de fondamental avant toute lecture) précisées, la vraie difficulté commence, bien sûr, pour se familiariser avec les concepts philosophiques de l’auteur (les partis pris – au sens littéral – de traductions, le premier choix commençant avec Weltgeschichte : histoire mondiale, histoire universelle) et aborder le sujet sans ignorer ce qu’en rappelle fort justement dès l’entrée Myriam Bienenstock : « La philosophie de l’histoire qui fut, longtemps, le grand titre de gloire de Hegel, semble en être devenue aujourd’hui le talon d’Achille. »
Je n’ai pas encore lu intégralement ce volume mais je tenais absolument (dans ce blog, je vise, certes, le divertissement, mais aussi, pourquoi le cacher ?, l’exigence intellectuelle) à signaler, pour les spécialistes ou les curieux (c’est mon cas), dès maintenant cette édition de La Philosophie de l’histoire de Hegel qui, à un prix abordable et des critères d’édition scientifique (retrouver au plus près possible les conceptions d’origine, réelles, de l’auteur, même si cela n’en simplifie pas forcément la compréhension) de qualité, permet enfin une relecture éclairée d’une œuvre très commentée mais mal connue...
Michel Sender.
[1] La Philosophie de l’histoire de G. W. F. Hegel, édition réalisée sous la direction de Myriam Bienenstock, traduction française de Myriam Bienenstock, Christophe Bouton, Jean-Michel Buée, Gilles Marmasse et David Wittmann, appareil critique de Norbert Waszek, collection « La Pochothèque », Librairie Générale Française, Paris, avril 2009 ; 768 p., 18 euros (sous coffret).