L'humanité de Roberto Saviano


J’ai mis du temps à acheter Le Contraire de la mort [*] de Roberto Saviano paru au printemps chez Robert Laffont, tellement j’étais sceptique devant la minceur du volume et tant son précédent et premier livre, Gomorra [**], un chef-d’œuvre, semble une somme indépassable et difficile à oublier.
En effet, Roberto Saviano, jeune journaliste italien, a révélé avec Gomorra, un livre d’enquêtes et de témoignages exceptionnels sur la camorra napolitaine, d’immenses qualités littéraires, grâce à un ton unique, extrêmement personnel, et une capacité d’analyse qui allie la pertinence à une incommensurable humanité.
Et c’est ce que l’on retrouve dans Le Contraire de la mort, recueil qui ne contient que deux nouvelles mais qui, comme Gomorra, prend aux tripes en quelques lignes, par la densité et l’intelligence de son écriture.
Dans Le contraire de la mort (Retour de Kaboul), une jeune femme parle des préparatifs de son mariage interrompu par la mort de son fiancé en Afghanistan et, par petites touches, Roberto Saviano évoque les jeunes Italiens qui s’engagent dans l’armée et qui, s’ils en reviennent, en sont marqués pour la vie…
Et, comme souvent chez Roberto Saviano, il y a les petits détails qui tuent : par exemple, les plaques d’identification (ils sont en guerre) que portent les jeunes maffieux et qu’ils mettent dans leur bouche, comme une hostie, lors de l’enterrement d’un des leurs !
Dans La bague, la seconde nouvelle, un anneau ou une alliance sont censés protéger les femmes de même que les bagues chez les camorristes, de préférence trois : « le Père, le Fils et le Saint-Esprit ».
Mais cela n’empêche évidemment pas les assassinats absurdes pour des questions de préséance ou de territoire…
Ces deux nouvelles de Roberto Saviano, très fortes, ne semblent pas avoir été publiées en recueil en Italie. (Vient de paraître chez Mondadori, La Bellezza e l’inferno : Scritti 2004-2009.)
Michel Sender.
[*] Le Contraire de la mort [Il contrario della morte, 2007] suivi de La Bague [L’anello, idem] – Scènes de la vie napolitaine de Roberto Saviano, traduit de l’italien par Vincent Raynaud, éditions Robert Laffont, Paris, avril 2009 ; 108 pages, 12,50 €.
[**] Gomorra (Dans l’empire de la camorra) [Gomorra – Viaggio nell’impero economica e nel sogno di dominio della camorra, « Stade blu », Mondadori, Milan, 2006] de Roberto Saviano, traduit de l’italien par Vincent Raynaud, éditions Gallimard, Paris, octobre 2007 ; 368 pages, 21 €. (Est annoncé en « Folio »-Gallimard en septembre 2009.) Entre-temps, a été réimprimé avec l’affiche du film en couverture.