Les "Leçons" du Professeur Finkielkraut

« Le nazisme est mort et il ne reviendra plus en dépit des vigilants efforts de ceux qui ont connu la grâce d’une naissance tardive et qui rêvent d’affronter le monstre pour montrer de quel bois résistant ils se chauffent. »
Vous avez lu un peu partout qu’Alain Finkielkraut a été très malade mais que, en quelque sorte, il s’est « bonifié » ; vous l’aviez entendu, nonobstant, très gentil, avant les vacances chez Yves Calvi sur France Inter, vous annoncer son nouveau livre à la rentrée ; il a été reçu chez Marc Voinchet sur France Culture un de ces matins, etc., et vous avez craqué, vous l’avez acheté, vous l’avez entre les mains, Un cœur intelligent [*], le nouvel opus (deux éditeurs s’y sont mis) et, bang, indécrottable, Alain Finkielkraut vous sort ça !
Pourtant, tout semblait (vous le croyiez) avoir bien commencé, Alain Finkielkraut ayant « choisi neuf titres » de littérature tous les plus intéressants et les plus pertinents les uns que les autres – mais vous auriez dû vous méfier dès l’invocation du roi Salomon qui « suppliait l’Éternel de lui accorder un cœur intelligent » !
Et oui, parce que, après vous avoir parlé d’un très grand et très beau livre, Histoire d’un Allemand de Sebastian Haffner paru chez Actes Sud, Alain Finkielkraut vous sort son jugement… de Salomon : Attention, ce livre ne s’adresse pas aux antifascistes de papier, aux « jeunots » ou aux militants débiles, etc.
Le Professeur (il déteste l’appellation « prof ») Finkielkraut a parlé ! Et, en plus, il vous insulte ! Car ce type est une baudruche, tordue, manipulatrice, perverse – une baudruche éructante, mauvaise, sous le vernis cultivé ! (Vous savez, du genre à vous injurier – j’ai vécu ça –, courtoisement, avec du grec : « Mais vous êtes cynique ! Vous connaissez l’étymologie du mot cynique, n’est-ce pas ? »)
Vous vous apercevez vite (Vassili Grossman ou Dostoïevski à la bouche) que ce gars qui se terrifie perpétuellement de la glaciation sibérienne du stalinisme et du communisme bureaucratique a le cœur glacé comme un congélateur ; qu’il appelle à lui l’humour juif mais que lui-même en est totalement dépourvu, d’humour ; qu’en fait il vous refile à tout propos Tocqueville et les bienfaits du libéralisme ou de la méritocratie, qu’il vante la démocratie sans être le moins du monde démocrate…
En fait, quoi qu’il en dise, Alain Finkielkraut est et restera tout simplement un donneur de leçons, un important, une caricature d’intellectuel qui prétend aimer La Plaisanterie de Milan Kundera mais qui ne plaisante pas ! Tout bêtement un sentencieux, j’ai bien le regret de le constater.
Toujours une citation à la gueule (il se croit sans doute en permanence sur sa chaire à Polytechnique) et une mentalité de « réac » ! Oui, de vieux (ou de jeune, peu importe) réactionnaire…
Alors, ne vous laissez pas prendre ou impressionner, vous n’êtes pas des élèves, vous n’avez (surtout) pas besoin d’Alain Finkielkraut pour apprécier Camus, Lord Jim ou Washington Square, vous pouvez parfaitement ignorer ses cours magistraux insipides et gonflés d’eux-mêmes ! On s’en passe très bien !
Michel Sender.
[*] Un cœur intelligent (Lectures) d’Alain Finkielkraut, coédition Stock/Flammarion, Paris, août 2009 ; 288 pages, 20 €.
Post-scriptum. J’ai tout de même découvert, dans Un cœur intelligent, une « curiosité » nouvelle, une catégorie inédite de collaborateur littéraire, le « transcripteur » ou, plutôt, la « transcriptrice ( ?) ». En effet, au-dessus du copyright (© Éditions Stock/Éditions Flammarion, 2009) du livre (là où on trouve parfois : « Collection dirigée par… » ou « Ce livre a été recommandé par… ») figure la mention : « Transcription réalisée par Bérénice Levet. » Qu’est-ce à dire ? Alain Finkielkraut ajoute plus loin, en fin d’« Avant-propos » : « Ma dette est grande également envers Bérénice Levet qui a tapé le manuscrit avec une infinie patience et qui m’a donné de précieux conseils. » Alain Finkielkraut aurait-il du cœur : c’est touchant de remercier le petit personnel. Et Bérénice Levet effectivement une « infinie patience » : personnellement, il y a longtemps que je lui aurais jeté son « manuscrit » (ses notes immondes) à la figure !