Daniel Bensaïd dans la revue "ContreTemps"

« La crise sociale et écologique n’en est qu’à ses débuts. Par delà de possibles reprises ou embellies, le chômage et la précarité continueront à des niveaux très élevés et les effets du changement climatique à s’aggraver. Il ne s’agit pas, en effet, d’une crise comme le capitalisme en a connu périodiquement, mais d’une crise de la démesure d’un système qui prétend quantifier l’inquantifiable et donner une commune mesure à l’incommensurable. Il est donc probable que nous sommes au début d’un séisme dont le paysage politique, de recompositions en redéfinitions, sortira d’ici quelques années bouleversé. C’est à cela qu’il faut se préparer en refusant de sacrifier l’émergence d’une alternative à moyen terme à des opérations politiciennes et à des gains immédiats hypothétiques qui se traduisent par d’amères désillusions. »
Ainsi concluait ses « Notes sur l’actualité », dans le tout dernier numéro de la revue ContreTemps [*] dont il était un des directeurs de publication, Daniel Bensaïd dont on a annoncé la mort hier 12 janvier 2010.
Plus haut, il ne manquait pas de pointer « le choix stratégique auquel la nouvelle gauche [allait] se trouver confrontée » : « Ou bien se contenter d’un rôle de contrepoids ou de pression sur la gauche traditionnelle en privilégiant le champ institutionnel ; ou bien, privilégier les luttes et les mouvements sociaux pour construire patiemment une nouvelle représentation politique des exploités et des opprimés. »
On reconnaît bien là un des thèmes de « la gauche de la gauche » et du trotskisme dont Daniel Bensaïd (il avait soutenu récemment la transformation de la Ligue communiste révolutionnaire en Nouveau parti anticapitaliste), depuis les événements de mai 1968, était un des militants et des théoriciens – et dont il suivait ou précédait les évolutions.
Avec le goût du combat et du débat, des formules chocs, de l’internationalisme, de l’écriture vive, toujours sur la brèche !
Dans le dernier numéro de Contretemps, dans un dossier d’ouverture à l’appellation malicieuse (De quoi communisme est-il le nom ?), Daniel Bensaïd, « indécrottable », a intitulé sa contribution (aux paragraphes numérotés, vieille manie de rédacteur de thèses politiques ou de manifestes) « Puissances du communisme »…
Eh oui, « Bensa » était comme ça !
Michel Sender.
[*] ContreTemps (Revue de critique communiste), nouvelle série, numéro 4, éditions Syllepse/La discordance des temps, Paris, décembre 2009 (quatrième trimestre 2009) ; 160 pages, 12 €. www.contretemps.eu (Voir ce blog également le 8 août 2009.)