L'honneur du "Poulpe"
Baleine : Droit de retrait
Les éditions Baleine sont nées en 1995 avec la création du personnage du « Poulpe » défini comme un enquêteur « libertaire et antifasciste ». Ce personnage est sorti des livres pour devenir un véritable protagoniste des luttes contre le Front National, pour les sans-droits, les sans-papiers. Quinze ans plus tard, par la seule volonté de son directeur et contre l’avis de ses auteurs, les éditions Baleine ont décidé de mettre à leur catalogue un livre de 1949, Faut toutes les buter, dont l’oubli avait sanctionné le racisme et la médiocrité.
Il est signé de François Brigneau, l’un des créateurs du Front National, également auteur de Si Mussolini m’était conté, de Xavier Vallat et la Question juive, et d’une apologie au titre faussement interrogatif : Mais qui est donc le professeur Faurisson ?
Compte tenu de son histoire, cet ex-Milicien souvent condamné pour antisémitisme n’avait pas sa place aux éditions Baleine, compte également tenu de leur histoire.
En conséquence, les auteurs soussignés demandent le retrait immédiat de leur nom et de leurs œuvres du catalogue des éditions Baleine.
Premiers signataires : Didier Daeninckx, Patrick Raynal, Roger Martin, Sylvie Rouch, Lionel Makowski, Gérard Streiff, Maud Tabachnik, Chantal Montellier, Gilles Vidal, Sébastien Doubinsky, Romain Slocombe, Sophie Kepes, Nila Kazar, Francis Mizio, Hervé Le Tellier, Robert Deleuse, Mouloud Akkouche, Roger Facon, Claude Mesplède, Thierry Crifo, François Braud, Pierre Cherruau, Lalie Walker, Noël Simsolo, Catherine Fradier, Martin Winckler, Xavier Mauméjean, Olivier Thiébaut, François Joly, Johan Heliot. Guillaume Cherel, Stéphanie Benson, Jean-Christophe Pinpin, Antoine Blocier, Alain Bellet, Renata Ada, Jocelyne Sauvard, Grégoire Forbin, Jean-Jacques Reboux, Jacques Albina, Jacques Puisais, Michel Boujut.
Apprenant que les éditions Baleine allaient publier un livre de François Brigneau, Didier Daeninckx a été à l’origine de cette pétition que je reprends de la Revue des ressources.
Devant un choix qu’ils ne peuvent accepter, les signataires demandent à exercer un « droit de retrait », une « clause de conscience » : c’est un constat d’échec, car François Brigneau n’aurait jamais dû figurer au catalogue de l’éditeur du « Poulpe », et en même temps la dernière possibilité de résistance civique face à une situation révoltante et imposée !
En effet, comment justifier que la « charte » du « Poulpe », collection emblématique des éditions Baleine, soit compatible avec des positions d’extrême droite ?
Et François Brigneau n’est pas un inconnu qui se serait « fourvoyé » un temps avec la droite extrême : c’est un militant actif et notoire de cette mouvance, ex-milicien, éditorialiste à Minute, un des cofondateurs du Front National et ouvertement ami de Robert Faurisson qu’il appelle « (C)herr professeur » dans un des nombreux jeux de mots bien sentis dans ce petit monde de connivences ! (Pour les dernières Européennes, François Brigneau s’est dit tenté par le vote Dieudonné !)
François Brigneau, quatre-vingt-dix ans, ne renie aucune de ses convictions (on ne lui demande pas d’ailleurs), il persiste et signe, et continue de s’exprimer où il peut…
Exhumer aujourd’hui un des romans argotiques qu’il a publié sous pseudonyme dans l’immédiat après-guerre avec ses amis Antoine Blondin ou Jacques Laurent peut peut-être intéresser certains, mais en tout cas n’est pas concevable chez un éditeur créé sur des fondations antifascistes.
Ou alors, si les éditions Baleine veulent rééditer des polars de Gérard de Villiers ou d’autres, elles changent de nature et de destination… et les auteurs de son catalogue ont le droit (et le devoir) de dire NON !
C’est cela qu’expriment les signataires de cette pétition – et ils ont bien raison !
Il n’y a là aucune censure, mais au contraire un engagement moral qui mérite tout notre soutien.
Michel Sender.