Le Rimbaud de Jean-Baptiste Baronian

Publié le par Michel Sender

Baronian Rimbaud


On n’en a jamais fini avec Arthur Rimbaud (1854-1891), le génial enfant fou de la poésie française, ancien époux de Verlaine et trafiquant d’armes au Harar, une espèce de petite frappe rebelle devenue finalement (bien piètre) négociant dans les colonies.

On en connaît (grâce à sa correspondance et aux témoignages) presque tout sans savoir vraiment, tellement – de son vivant et de manière délibérée – sa postérité lui a échappé, Une saison en enfer étant le seul livre effectivement publié (à compte d’auteur, le tirage étant resté dans sa plus grande partie chez l’imprimeur) par lui.

Plus de cent ans après sa disparition, en 2007, la découverte d’un texte inédit (Le rêve de Bismarck, signé Jean Baudry et paru en 1870 dans Le Progrès des Ardennes) de lui a secoué le landerneau littéraire et une troisième édition de ses œuvres dans la « Bibliothèque de la Pléiade » excité l’an dernier des polémiques fleuries entre spécialistes.

Il faut dire qu’on discute encore parfois sur l’article Les apposé ou pas devant Illuminations ou sur les dates d’écriture, les autographes, de ses poèmes, etc., sans parler des diverses interprétations que suscitent sa vie et ses écrits…

Après de remarquables Baudelaire et Verlaine dans la même collection, Jean-Baptiste Baronian, pour son Rimbaud [*] de « Folio Biographies » des éditions Gallimard, se tient bien au-dessus de tout cela et s’attache aux vies multiples d’Arthur Rimbaud.

Ce n’est pas une tâche facile et Jean-Baptiste Baronian s’en tire parfaitement bien et ne nous lasse pas, tellement il reste proche des documents connus (ah, ce rapport médical corporel sur Paul Verlaine après son emprisonnement à Bruxelles !) et en raconte le déroulé des événements avec une simplicité lumineuse sous sa plume experte et aguerrie de vieux routier polygraphe, par ailleurs académicien de Belgique.

De même, les citations sont toujours choisies avec soin et pertinence pour essayer de nous éclairer intelligemment, sans hagiographie ni extrapolations verbeuses, sur une existence qui reste, il faut bien le rappeler, fondamentalement un mystère !

Bien sûr, le genre biographique met à plat de nombreux détails quotidiens et rapetisse en quelque sorte la dimension des êtres (ah, ces incroyables et maladroites transactions commerciales de Rimbaud avec Ménélik en Éthiopie !) mais en même temps, quand, comme ici, il est conçu avec une « distance » objective, nous laisse notre liberté de jugement et n’entame en rien la complexité d’un destin ou d’une souffrance.

C’est tout le pari gagné, une nouvelle fois, par Jean-Baptiste Baronian, pour ce Rimbaud qui, à mon avis, constitue une magnifique réussite, et qui donne envie, encore et toujours, de lire et relire l’enfant terrible de Charleville !

Michel Sender.

[*] Rimbaud de Jean-Baptiste Baronian, collection « Folio Biographies », éditions Gallimard, Paris, octobre 2009 ; 304 pages, catégorie F9 [7,60 €].

Publié dans Littérature

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F
<br /> Ah Michel !<br /> Toujours d'aussi bon conseil. J'ai vu ce livre chez ma libraire. Je voulais me renseigner avant de l'acheter (pas envie qu'on m'abîme MON Rimbaud...). J'ai acheté une pile d'autres livres en<br /> oubliant celui-ci. Je me rattrappe dès que possible car je te fais confiance.<br /> <br /> <br />
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