Lettre à Elsa

Publié le par Michel Sender



« Michel,
Je suis l'éditrice française de "Dracula, l'Immortel" et je suis avant tout férue de littérature gothique et particulièrement de "Dracula" de Bram Stoker. C'est pour cette raison qu'à l'annonce de cette suite officielle écrite par le descendant direct de B. Stoker et un historien ès vampire, je me suis empressée de dévorer ce livre qui reste très fidèle à l'esprit de l'original tout en apportant une grande modernité dans la forme. Je vous propose donc de vous l'envoyer pour vous forger une véritable opinion.
Amicalement,
Elsa. »

Chère Elsa Lafon,

bravo ! Vous faîtes fort bien votre boulot ! Et, en m’envoyant ce charmant message en commentaire de mon précédent article sur ce blog, vous confirmez mon impression d’une opération commerciale autour du lancement en cours de Dracula, l’immortel de Dacre Stoker et Ian Holt, chez Michel Lafon, dont vous êtes l’éditrice « Jeunesse ».

Je n’ignore pas que l’édition est un métier et, dans beaucoup de cas, une entreprise qui recherche le succès, d’estime, mais aussi, si possible, financier.

Dans votre cas – et vous ne manquez pas de communiquer à ce propos –, je sais que c’est la recherche du profit commercial qui prime. Que vous puissiez éventuellement enrober cela dans des considérations littéraires (« une grande modernité dans la forme ») reste secondaire…

Voici ce que je lis par exemple sur le Net, extrait du site de Stratégies, sous le titre « L’édition jeunesse à la pointe du buzz », par Delphine Le Goff :

« La publication en série permet d'installer un univers foisonnant. Mais surtout de rendre les jeunes lecteurs accros… «Nous avons sorti le premier tome des Chevaliers d'émeraude en mars 2007, et avons adopté des publications rapprochées pour les six tomes suivants: trois par an, afin de couvrir le marché. Et surtout de ne pas laisser le temps aux lecteurs de s'attacher à une nouvelle série», explique Elsa Lafon, éditrice jeunesse chez Michel Lafon, qui a ouvert en 2007 un département jeunesse représentant déjà 20% de son chiffre d'affaire. »

 

On peut lire encore sur Le Figaro.fr un article du 14 février 2008, toujours à propos des Chevaliers d’émeraude d’Anne Robillard :

·         Le succès. Michel Lafon, qui a acheté les droits de la série à un éditeur québécois spécialisé dans l'ésotérisme, se frotte les mains avec 300 000 exemplaires déjà vendus. « C'est un livre qui a marché grâce au bouche-à-oreille, explique Elsa Lafon, l'éditrice. Comme le disent les Québécois, les jeunes sont tombés en amour avec cette série. Elle leur offre une échappatoire dans un monde imaginaire. Nous avons fait le pari de la lancer en France alors que l'éditeur québécois avait essayé de le faire, mais sans succès. » Les Éditions Michel Lafon n'ont pas lésiné sur les moyens afin que le jeune lectorat, réputé captif, assure le succès de cette aventure qui compte douze tomes. Le plan de lancement sur Internet et dans les journaux, à base de jeux, de blogs et de publicité, a coûté 150 000 €. Les couvertures ont été redessinées par Patrice Garcia, le papa d'Arthur et les Minimoys. Un ordre français vient même d'être créé. Le résultat est là : Les Chevaliers… n'ont jamais quitté le top cinq des meilleures ventes du secteur jeunesse.

(« Le bon filon des Chevaliers d’émeraude », par Françoise Dargent.)

De nouveau, dans Le Figaro, en date du 18 mars 2009, un long article de Françoise Dargent, intitulé « Ces créatures étranges qui fascinent les ados », nous explique :

·         Pour faire patienter les milliers d'enfants qui attendaient fébrilement la suite des aventures d'Eragon, Bayard Jeunesse a créé un site Internet officiel, qui voisine avec les nombreux blogs et forums où les adolescents disent leur passion pour leurs héros. Leurs professeurs pourront y constater que, s'ils ne maîtrisent pas toujours l'orthographe et la syntaxe, ils ont néanmoins quelques connaissances dans le domaine du résumé d'ouvrage, de l'explication de texte et de l'éloge flatteur. Certains y révèlent un tempérament proche de l'addiction. Une addiction que certains éditeurs n'hésitent d'ailleurs pas à alimenter. «C'est vrai que toutes ces discussions sur Internet entretiennent une sorte de teasing, reconnaît Elsa Lafon, éditrice chez Michel Lafon qui publie Les Chevaliers d'Émeraude, grosse série à succès de ces deux dernières années. Nous envoyons aujourd'hui les livres aux responsables des blogs importants pour qu'ils en parlent et nous intervenons sur les forums pour y glisser des commentaires positifs. Nous proposons aussi des jeux, ce que nous ne ferions jamais pour des livres destinés aux adultes.» Et dans la corbeille des gagnants, point de livre mais des Xbox ou des iPhone. Commentaire de l'éditrice : «On espère bien sûr que certains auront envie de découvrir les livres, mais cela sert avant tout à entretenir le bouche-à-oreille qui est très important à cet âge.»

Voilà qui est franchement et clairement exposé !

Cependant, chère Elsa, très amicalement, je suis au regret de vous dire que je ne suis pas la bonne « cible ».

Mais je transmets volontiers votre message à mes lecteurs ! Mon souci (Lecture, mon beau souci…), en l’occurrence, était simplement d’informer.

Et nous voyons que ce n’est pas facile ! Que, nous tous, rédacteurs de blogs, devons apprendre, sur le tas, le BA-ba du journalisme – et de ses pièges, parfois enrobés de chocolat !

Michel Sender.

Voir www.lafonpublishing.com

Publié dans Littérature

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G
<br /> Michel, bravo pour l'autodérision, à moins que cette Esla n'existe réellement?<br /> J'ai immédiatement pensé à une autre Elsa, première femme à avoir obtenu le Goncourt.<br /> Amitiés.<br /> Gaby<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Chère Gaby, je n'ai repris, dans mon titre, que le prénom (comme nous le faisons entre nous) d'Elsa (très beau prénom !) Lafon, peut-être par dérision, mais surtout pour souligner, mais sans<br /> insister, la méthode (sans se cacher puisque Elsa me précise être l'éditrice du livre) qui consiste à n'utiliser que les prénoms dans les commentaires de blogs. Mais j'ai personnellement<br /> ensuite clairement écrit à Elsa Lafon, éditrice (responsable d'édition, qui gère un budget et qui, en l'occurence, me proposait un "service de presse"), en tant que Michel Sender, auteur de blog<br /> (et pas simplement "Michel"). Dans sa réponse, Elsa Lafon fait mine de ne pas avoir compris, car elle ne peut pas se refaire, ayant l'habitude de procéder ainsi sur les blogs d'ados. Bien<br /> amicalement, Michel Sender.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Cher Michel,<br /> <br /> Je regrette que vous ne souhaitiez pas lire ce livre.<br /> Je vous remercie pour votre collaboration au débat littéraire.<br /> <br /> Bon dimanche,<br /> <br /> Elsa<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Chère Elsa Lafon, je pense que nous nous sommes compris. Je n'aime pas vos méthodes et, devant votre "gentil" message en commentaire, j'en ai prévenu mes lecteurs. Le débat (mais y-a-t-il<br /> vraiment "débat" ?) sur l'édition mercantile n'est pas clos, mais c'est à chacun de se déterminer. Bien amicalement, Michel Sender.<br /> <br /> <br /> <br />