Pierre de Nolhac (1859-1936)

Publié le par Michel Sender

 

« Le livre fermé

Trop pleine, la journée a passé comme une heure

Dans l’étude en commun, les livres, les propos ;

L’esprit qui se détend aspire à son repos

Et les derniers amis ont quitté la demeure.

 

On est seul ; le jour tombe et le songe est venu ;

La fenêtre du soir encadre un ciel immense.

Alors, soudain, s’élève en ce divin silence,

La voix, l’étrange voix qui vient de l’inconnu… »


Je ne vous le fais pas dire : je suis quand même un type « spécial » !

Alors que, dans une librairie de ville moyenne, s’offraient à moi les derniers ouvrages de Mme Gavalda ou de MM. Marc Levy et Bernard Werber (sans parler de tous les prix littéraires de la saison, bien estampillés, et qui n’attendaient que moi !), ne voilà-t-il pas que j’ai choisi une obscure monographie sobrement intitulée : Pierre de Nolhac (1859-1936) [*], sous la plume attendrie de Mme Claire Salvy (arrière-petite-fille de l’écrivain) et parue très récemment aux Éditions du Roure (Communac, 43000 Polignac) ?

Il faut dire que je reste un grand sentimental. En souvenir de mon vieux maître Louis Pize (1892-1976), poète du Pigeonnier, j’ai gardé un faible pour les poèmes surannés et les études provinciales fleurant bon les anciennes humanités…

Pour moi, Pierre de Nolhac, c’est le préfacier de Poésies choisies de Ronsard dans les classiques Garnier, le traducteur de l’Éloge de la folie d’Érasme en collection de poche, un spécialiste du Château de Versailles, de Marie-Antoinette ou de Madame de Pompadour dans des livres historiques que l’on ne trouve plus que chez les bouquinistes ou dans les brocantes.

« S’il a fallu tant d’années pour que le plus gros des papiers soit enfin remis à la bibliothèque de Versailles, c’est essentiellement parce que l’occupation allemande, la chute de Mussolini et la Libération ont complètement bloqué la communication des descendants au sujet de leur “grand homme”, devenu de ce fait une sorte d’icône indéchiffrable depuis plus d’un demi-siècle », nous explique Claire Salvy ; mais cependant son travail nous laisse sur notre faim.

En effet, en dehors du rappel de toute la généalogie des familles de Nolhac et de Goÿs de Mézeyrac et de toute leur descendance, de quelques titres des ouvrages de Pierre de Nolhac et des extraits de ses poèmes, de discours académiques ou convenus, de l’énoncé de ses titres et fonctions (directeur aux Hautes études, conservateur du château de Versailles puis du musée Jacquemart-André, commandeur de la Légion d’honneur, citoyen d’honneur d’Arezzo ville natale de Pétrarque), de son élection (moult fois repoussée mais enfin obtenue en 1922) à l’Académie française, du comité France-Italie, etc., le livre ne nous apporte pas grand-chose de consistant ou d’éclairant.

Sauf, paradoxe « excitant », une énigme familiale non expliquée et qui, personnellement, m’intrigue et me questionne au plus haut point, tellement ces choses me sont étrangères.

Il y a cent ans, et peu avant ses cinquante ans, à l’automne 1909, Pierre de Nolhac (je croyais cette pratique limitée aux familles musulmanes), pour des raisons obscures, a carrément répudié sa femme ! Bien sûr, il ne divorce pas, mais il fait décréter par acte sous seing privé, à sa seule initiative, que « De graves désaccords étant survenus entre M. et Mme de Nolhac, ceux-ci ont résolu d’y mettre un terme par une séparation à l’amiable. Ils habiteront séparément… », et, dans la foulée, son épouse part à Paris tandis que, deux jours plus tard, Mme de Nolhac mère s’installe à Versailles !

Car, plutôt qu’à suivre l’illustre poète, on s’intéresse désormais plus à cette femme, mère de famille ayant connu de multiples grossesses et la litanie des décès d’enfants en bas âge, secrétaire et collaboratrice comme il se doit de son brillant époux, militante du Sillon et de l’œuvre de la « Goutte de lait », brutalement reniée par son mari…

Michel Sender.

[*] Pierre de Nolhac (1859-1936) de Claire Salvy, éditions du Roure, Polignac, octobre 2009 ; 224 pages, 20 €. www.editionsduroure.com

 

Publié dans Littérature

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