"Gioconda" de Nikos Kokantzis
« Ceci est une histoire vraie.
Hier, une fois de plus, j’ai vu en rêve mon ancien quartier. Rêve la nuit, cauchemar le jour, quand on voit ce qu’ils en ont fait. Moi, au moins, je l’ai connu du temps de sa beauté. J’ai eu la grande chance de naître et grandir là-bas, j’y ai vécu la guerre, l’Occupation, puis quelques années encore. » [*]
J’ai acheté cette version reliée-cartonnée de Gioconda avec une carte cadeau pour la Saint-Valentin mais cette édition était déjà en place pour les fêtes de fin d’année.
Il semble que ce soit un des best-sellers ― qui m’avait totalement échappé jusqu’à présent ― de l’éditeur qui le republie régulièrement sous différents formats.
Nikos A. Kokantzis (1927-2009) aurait écrit Gioconda ― qu’il traduisit d’ailleurs lui-même en 1997 en anglais pour la Modern Greek Writers Series des éditions Kedros ― en 1975 et cela reste, à part quelques nouvelles et des poèmes, son principal livre.
Gioconda est le récit émouvant et tragique d’une histoire d’amour, à Thessalonique, entre deux adolescents, pendant la guerre et avant la déportation à Auschwitz en 1943 de la jeune fille juive que Nikos Kokantzis aimait.
La force de la narration vient à la fois de sa grande simplicité et de l’intensité de la relation décrite : « Il y avait des moments où elle croyait que je l’aimais et alors la lumière était plus brillante, puis venaient d’autres périodes où l’accablait l’idée qu’elle n’était rien de particulier pour moi, et alors il faisait froid. »
Il s’agit également d’un témoignage très précieux sur le brassage culturel de Thessalonique ― je pense aussi aux chroniques de Yorgos Ioannou sur cette ville ―, sur le terrible destin de sa communauté juive et sur un monde grandement disparu.
Michel Sender.
[*] Gioconda (Τζιοκόντα, 1975) de Nikos Kokantzis, récit traduit du grec par Michel Volkovitch (première édition en 1998), éditions de l’aube, 84240 La Tour d’Aigues, novembre 2019 ; 168 pages, 15 €.