"Le Dossier Rosi" de Michel Ciment
« Vivir desviviendose »
« Ce livre est né d’un choc : la vision, en février 1963, de Salvatore Giuliano et le sentiment qu’un nouveau cinéma politique « de gauche » venait de naître qui se doublait d’une rigoureuse leçon de méthode. Depuis lors, sept autres films, de Main basse sur la ville jusqu’à Cadaveri eccellenti, en un itinéraire exemplaire, sont venus confirmer l’importance de Francesco Rosi et sa place parmi les plus grands metteurs en scène italiens.
Si l’art est souvent par sa nature même artifice, s’il sait parer le mensonge des plus troublantes séductions, il peut être aussi, cette œuvre nous le rappelle, recherche de la vérité. Rosi traque le mensonge, le cerne dans ses recoins, dévoile les trompeuses apparences d’un monde qui agit dans l’ombre. Il n’est pas de plus grand objet d’étude que celui-ci : l’ambition, la soif de pouvoir, la mainmise sur un peuple ou une société. Rosi éclaire d’une lumière neuve, ce qui, de Shakespeare à Brecht en passant par Corneille, fut le thème des plus grands dramaturges. Ses films, serrés comme des poings, tendus comme des ressorts, brusquement jettent au visage du spectateur le secret qu’ils renfermaient. » [*]
À l’annonce de la mort de Michel Ciment, éminent critique cinématographique, directeur de publication de la revue Positif et intervenant régulier d’émissions radiophoniques sur France Inter (Le Masque et la Plume) et France Culture (Projection privée, et, plus récemment, ses participations dans celles de Tewfik Hakem), j’ai ressorti la première édition de son Dossier Rosi.
Relire ne serait-ce que les premières lignes de cet ouvrage montre immédiatement (l’entendre à l’oral revenait au même) sa profonde culture et sa hauteur de vue pour l’approche des œuvres cinématographiques et des cinéastes.
C’était aussi un universitaire qui savait vulgariser ses connaissances et les écrire avec rigueur et simplicité, ne négligeant absolument pas (en animateur de revue) les entretiens et les documents.
Cela nous a donné ainsi des livres remarquables sur quelques cinéastes majeurs (Elia Kazan, Francesco Rosi, Joseph Losey, Stanley Kubrick, John Boorman, Theo Angelopoulos ou Jane Campion) de notre temps — et qui resteront.
Michel Sender.
[*] Le Dossier Rosi (Cinéma et politique) de Michel Ciment, collection « Dire/Stock 2 », éditions Stock, Paris, avril 1976 ; 376 pages + 32 pages de documents photographiques.