"Paris est une fête" d'Ernest Hemingway

Publié le par Michel Sender

"Paris est une fête" d'Ernest Hemingway

« En ce temps-là, je n'avais pas d'argent pour acheter des livres. Je les empruntais à la bibliothèque de prêt de « Shakespeare and Company » ; la bibliothèque-librairie de Sylvia Beach, 12, rue de l'Odéon, mettait en effet, dans cette rue froide, balayée par le vent, une note de chaleur et de gaieté, avec son grand poêle, en hiver, ses tables et ses étagères garnies de livres, sa devanture réservée aux nouveautés et, aux murs, les photographies d'écrivains célèbres, morts ou vivants. Les photographies semblaient être toutes des instantanés, et même les auteurs défunts y semblaient encore pleins de vie. Sylvia avait un visage animé, aux traits aigus, des yeux bruns aussi vifs que ceux d'un petit animal et aussi pétillants que ceux d'une jeune fille, et des cheveux bruns ondulés qu'elle coiffait en arrière, pour dégager son beau front, et qui formaient une masse épaisse, coupée net au-dessous des oreilles, à la hauteur du col de la jaquette en velours sombre qu'elle portait alors. Elle avait de jolies jambes. Elle était aimable, joyeuse et pleine de sympathie pour tous, et friande de plaisanteries et de potins. Je n'ai jamais connu personne qui se montrât aussi gentil envers moi. » [*]

 

Pour contrebalancer mon billet d’humeur du 13 avril 2024 sur ce blog, je suis tombé sur le début du texte consacré par Hemingway à la librairie « Shakespeare and Company » dans Paris est une fête, l’éloge d’une femme exceptionnelle et d’un sacerdoce pour les livres.

Paris est une fête figurait dans l’omnibus publié par France Loisirs en juin 2011 (voir ce blog le 12 avril 2024) mais Gallimard leur avait refourgué son édition 1964 (traduite par Marc Saporta) alors qu’elle venait de mettre en vente, début mai 2011, une « édition revue et augmentée » du même ouvrage !

En effet, réalisée en 1964 par Mary Hemingway trois ans après la mort d’Ernest Hemingway, la première version de Paris est une fête n’était pas satisfaisante.

Son fils Patrick et son petit-fils Seán sont repartis des manuscrits originaux et ont reconstitué une nouvelle édition de Paris est une fête qui, aujourd’hui, fait référence. C’est d’ailleurs grâce à l’avant-propos de Patrick Hemingway que j’ai personnellement compris le sens du titre anglais, A Moveable Feast, une référence aux fêtes mobiles (Pâques, Pentecôte…) de différentes religions, une façon de mettre en avant le changement permanent de la ville.

On se souvient aussi que, peu après les attentats à Paris de 2015, Paris est une fête d’Ernest Hemingway avait connu une hausse d’intérêt et des retirages importants. (Le même phénomène s’est produit avec La Peste d’Albert Camus pendant l’épidémie de Covid.)

 

Michel Sender.

 

[*] « Shakespeare and Company », dans : Paris est une fête. Édition revue et augmentée (A Moveable Feast. The Restored Edition, 2009) d’Ernest Hemingway, édité et introduit par Seán Hemingway, avant-propos de Patrick Hemingway, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Saporta [Gallimard, 1964] et, pour l’avant-propos, l’introduction et les inédits, par Claude Demanuelli, collection « Du monde entier », éditions Gallimard, Paris, avril 2011 ; 320 pages, 19,50 €.

"Paris est une fête" d'Ernest Hemingway

Les éditions Gallimard savent gérer leur fonds en permanence. À ce propos, signalons la sortie en « Folio » de la nouvelle traduction, par Charles Recoursé, du grand roman de John Steinbeck, Les Raisins de la colère. (Pour l’instant, la nouvelle traduction du Docteur Jivago de Boris Pasternak, par Hélène Henry, reste uniquement dans la collection « Du monde entier ».)

Publié dans Littérature

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