"Un hivernage dans les glaces" de Jules Verne
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« Le curé de la vieille église de Dunkerque se réveilla à cinq heures, le 12 mai 18.., pour dire, suivant son habitude, la première basse messe à laquelle assistaient quelques pieux pêcheurs.
Vêtu de ses habits sacerdotaux, il allait se rendre à l’autel, quand un homme entra dans la sacristie, joyeux et effaré à la fois. C’était un marin d’une soixantaine d’années, mais encore vigoureux et solide, avec une bonne et honnête figure.
« Monsieur le curé, s’écria-t-il, halte là ! s’il vous plaît.
— Qu’est-ce qui vous prend donc si matin, Jean Cornbutte ?répliqua le curé.
— Ce qui me prend ?… Une fameuse envie de vous sauter au cou, tout de même !
— Eh bien, après la messe à laquelle vous allez assister…
— La messe ! répondit en riant le vieux marin. Vous croyez que vous allez dire votre messe maintenant, et que je vous laisserai faire ?
— Et pourquoi ne dirais-je pas ma messe ? demanda le curé. Expliquez-vous ! Le troisième son a tinté… » [*]
Comme souvent, c’est une occasion (d’en avoir trouvé un exemplaire « Librio ») qui m’a donné envie de relire Un hivernage dans les glaces, une des premières nouvelles de Jules Verne, parue initialement, en mars et avril 1855, dans deux livraisons du Musée des Familles – Lectures du Soir (vingt-deuxième volume, 1854-1855, disponible sur Google Books), et reprise avec quelques modifications en 1874 dans le recueil du Docteur Ox (collection Hetzel des Voyages extraordinaires) comprenant Une fantaisie du docteur Ox, Maître Zacharius, Un drame dans les airs et Un hivernage dans les glaces, illustré par Adrien Marie (disponible sur BnF Gallica).
Car, dès ses premiers essais, Jules Verne a eu le chic d’inventer des histoires relativement simples qui, sur un « prétexte » de base, débouchent ensuite sur des exposés scientifiques et/ou géographiques qui intriguent puis intéressent les lecteurs (par exemple, sur Les Forceurs de blocus, voir ce blog le 31 mai 2022).
Ainsi, pour Un hivernage dans les glaces, c’est le non-retour d’une campagne de pêche d’un marin, Louis Cornbutte, que sa fiancée Marie attendait impatiemment pour se marier, qui va décider son père, Jean Cornbutte, à repartir sur les lieux de la disparition de son fils, perdu dans les flots alors qu’il tentait de secourir un navire norvégien.
Louis Cornbutte est considéré comme mort par l’équipage, mais son père ne veut pas accepter la nouvelle et organise immédiatement une expédition de recherche pour le Groenland. Tous les hommes (sauf le second, André Vasling, secrètement amoureux de Marie, et jaloux du capitaine Louis Cornbutte), acceptent franchement de participer à cette mission, tandis que Marie, elle, s’embarque secrètement à bord.
Mais, s’engager dans la recherche de personnes disparues, au Grand Nord, implique que le bateau (le brick La Jeune Hardie) se laisse prendre dans les glaces et que les sauveteurs s’installent et hibernent sur la banquise.
Bien sûr, Louis Cornbutte va être retrouvé mais cette entreprise de secours ne s’accomplira pas sans difficultés ni sans coups du sort…
En moins d’une centaine de pages et en seize brefs chapitres très enlevés, Jules Verne nous entraîne avec lui et nous fait marcher, à toute blinde, même si Un hivernage dans les glaces dure plus d’un an !
Michel Sender.
[*] Un hivernage dans les glaces (1855) de Jules Verne, collection « Librio 2 € », dossier pédagogique établi par Marie-Caroline Le Gall, éditions J’ai Lu, Paris, janvier 2020 ; 128 pages (couverture de Léonard Dupond).