"La Dernière Fugitive" de Tracy Chevalier

Publié le par Michel Sender

"La Dernière Fugitive" de Tracy Chevalier

« Elle ne pouvait pas revenir en arrière. Quand Honor Bright avait brusquement annoncé à sa famille qu’elle allait accompagner sa sœur Grace en Amérique — quand elle avait trié ses objets personnels, ne gardant que le nécessaire, quand elle avait fait don de tous ses patchworks, quand elle avait dit au revoir à ses oncles et tantes, et embrassé ses cousins et cousines et ses neveux et nièces, quand elle était montée dans le coche qui allait les arracher à Bridport, quand Grace et elle s’étaient donné le bras pour gravir la passerelle du bateau à Bristol —, tous ces gestes, elle les avait effectués en se disant en son for intérieur : Je pourrai toujours revenir. Sous cette pensée, toutefois, était tapi le soupçon que dès que ses pieds auraient quitté le sol anglais, sa vie serait irrévocablement transformée. » [*]

 

Après Underground Railroad de Colson Whitehead (voir ce blog le 14 avril 2023), j’ai souhaité aller voir un livre plus « grand public », La Dernière Fugitive de Tracy Chevalier, qui traite indirectement du « chemin de fer clandestin » de défense des esclaves qui fonctionnait au XIXe siècle aux États-Unis.

Je connaissais La Jeune Fille à la perle de Tracy Chevalier, rendu célèbre notamment grâce à un film de Peter Webber avec Scarlett Johansson, mais je n’avais pas lu d’autres ouvrages de cette auteure. C’est donc son sujet qui m’a donné envie de découvrir La Dernière Fugitive.

La Dernière Fugitive évoque l’histoire d’une jeune femme quaker, Honor Bright, qui, en 1850, quitte, en compagnie de sa sœur Grace qui doit s’y marier, son Angleterre natale pour l’Amérique et plus précisément une petite ville de l’Ohio.

À peine arrivée sur le sol américain, sa sœur meurt de la fièvre jaune, ce qui contraint Honor à rejoindre seule la région de Cleveland, près du lac Érié, où déjà des communautés quakers se sont implantées.

Elle y vit grâce à des travaux de couture dans un commerce de lingerie avant d’épouser un agriculteur local, Jack Haymaker, et de le rejoindre dans la ferme qu’il occupe avec sa mère.

Le destin d’Honor Bright, femme soumise et très pieuse, dont une grande partie de l’activité, en dehors des tâches ménagères, repose dans la confection de quilts (patchworks ou courtepointes) traditionnels, semble ainsi tout tracé.

Mais sa foi quaker l’empêche de mentir et la sépare de sa belle-famille qui refuse de secourir les Noirs en fuite de passage dans l’Ohio avant de parvenir à atteindre le Canada. Elle va alors élargir son horizon social et affirmer sa personnalité…

Tracy Chevalier a ainsi, à un classique roman historique sur une installation au Nouveau Monde, ajouté une dimension politique, et surtout continué, avant tout, de donner des portraits de femmes attachantes et singulières.

 

Michel Sender.

 

[*] La Dernière Fugitive (The Last Runaway, 2013) de Tracy Chevalier, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff [Quai Voltaire/La Table Ronde, 2013], éditions France Loisirs, Paris, août 2014 ; 388 pages, cartonné sous jaquette (en couverture, photo de Franck Juery).

"La Dernière Fugitive" de Tracy Chevalier

La plupart des romans de Tracy Chevalier traduits en français sont disponibles en « Folio » chez Gallimard.

Publié dans Littérature

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