Le ravissement des haikus de Sôseki
« Serait-ce déjà l’aube
Longue encore est la nuit
Mais si claire la lune »
Je connaissais un peu Sôseki Natsume (1867-1916), grâce à deux de ses romans (Je suis un chat chez Gallimard et Botchan au Serpent à plumes), mais j’ignorais totalement son activité d’auteur de haikus, une discipline difficile à maîtriser et qui parfois confine, pour le lecteur, à l’hermétisme mallarméen…
« Vent d’automne colore les feuilles
Est-ce lui qui a posé sur ma tête
Le premier cheveu blanc »
Je me suis laissé guider, comme le suggère Akiyama Yutaka dans sa préface : Le dicible et l’indicible) par ma sensibilité, selon l’humeur de saison ou des correspondances infimes…
« Si je pouvais être
L’hirondelle
Qui tout entière se donne à ses pensées »
Pour ce choix (Sôseki en aurait composé plus de 2 500 !) de 135 Haikus [*], Élisabeth Suetsugu nous donne, dans des annotations en complément de sa traduction, quelques éléments de date ou d’événement et nous laisse ensuite voguer librement…
« L’année s’en va
Le chat demeure
Sur mes genoux blotti »
Car ce livre – qui est un ravissement par le texte et qu’on pourrait absolument emporter sur une île déserte tellement il nourrit intérieurement – est illustré, en noir et en couleurs, de sublimes dessins ou calligraphies, de reproductions (magnifiques malgré le format de poche) de sceaux, d’aquarelles ou de peintures sur soie de Sôseki…
« J’aimerais renaître
Si c’était possible
Aussi modeste qu’une violette »
Oui, cet ensemble est littéralement un enchantement, qui laisse sans voix – et où vous trouverez, vous aussi, j’en suis sûr, votre miel ! (Il vous reste au moins encore 130 autres haikus à découvrir dans ce livre exceptionnel.)
Michel Sender.
[*] Haikus de Sôseki, préface d’Akiyama Yutaka (éditeur japonais des Œuvres complètes de Sôseki), traduction et notes d’Élisabeth Suetsugu (première publication : Philippe Picquier, Arles, 2001), collection « Picquier poche », éditions Philippe Picquier, Arles, août 2009 ; 144 pages, 8 €. www.editions-picquier.fr