"Muettes" de Yasmine Ghata

Publié le par Michel Sender

Muettes Yasmine Ghata

« Profession : Écrivain. Ma mère complétait cette rubrique administrative par le mot “poétesse”. Un métier comme un autre que j’avais appris à reporter dans la rubrique profession des parents. Dans la case réservée au père, la mention “décédé”, sans les larmes ni le drame. Ces deux mots résumant la singularité des premières années de ma vie. »

Yasmine Ghata est la fille de Vénus Khoury-Ghata et de Jean Ghata, médecin chronobiologiste disparu en 1981.

Elle avait six ans à la mort de son père et, après La Nuit des calligraphes et Le Târ de mon père, parus chez Fayard en 2004 et 2007 (disponibles également au Livre de Poche), son troisième roman, Muettes [*], évoque les mois qui ont suivi ce deuil qu’elle a vécu entrelacée (« Nos deux corps se calaient à la perfection », écrit-elle) avec sa mère.

« Nous vivions muettes, les mots n’avaient pas leur place ici » : la mère et sa fille ont quitté l’appartement parisien pour, l’été, rejoindre une maison au bord de la mer et c’est là que l’une et l’autre vont se ressourcer.

À Paris, l’enfant entendait sans cesse la machine à écrire de sa mère cliqueter méchamment au point d’en devenir une rivale, une ennemie à abattre – de même que les invités de sa mère (« Je me rappelle Alain Bosquet monopolisant les esprits, on aurait dit qu’il s’adressait à un cercle de croyants venus chercher la bonne parole. Les femmes poussaient des soupirs d’extase, et les hommes cherchaient leurs mots ») l’exaspéraient.

Sans doute les souvenirs restent-ils exacerbés et reconstruits ; il va bien falloir « tourner le dos à la mer une bonne fois pour toutes », quand la jeune fille aura compris que « l’imagination est contagieuse entre mère et fille, elle est notre oxygène, notre nourriture quotidienne, nos vêtements d’hiver et d’été », qu’elles sont liées à jamais…

Ténu comme une plainte sourde et tendu comme une corde vibratoire, Muettes disperse petit à petit les murmures poétiques et meurtris d’une présence toujours incandescente !

Michel Sender.

[*] Muettes de Yasmine Ghata, éditions Fayard, Paris, janvier 2010 ; 120 pages, 12 €. www.fayard.fr


Publié dans Littérature

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V
<br /> Ca m'a l'air d'un livre intéressant. Je note....<br /> <br /> Les choses bougent sur mon blog. N'hésitez pas à passer :<br /> http://victordelrey.over-blog.com/<br /> A bientôt !!!!<br /> <br /> <br />
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