"Le Puits Sans-Nom" de Mireille Pluchard

« Accroché à la montagne, le mas de pierres grises, trapu sous sa toiture de lauzes aux reflets bleutés, donnait l’impression d’avoir été posé là par la main géante d’un magicien facétieux.

Il semblait défier les lois de l’équilibre tant la pente était raide. L’un des angles du bâtiment faisait corps avec le rocher qui lui servait d’assise, alors qu’à l’opposé, l’extrémité de pierres, savamment montées en quinconce, se découpait dans le ciel bleu, absolu, infini.

Visitées par le printemps naissant, les terres qui l’entouraient, le cernaient de toutes parts en faïsses irrégulières, offraient à l’œil bucolique un camaïeu de tons, du vert le plus foncé au tendre céladon. » [*]

Toujours abonné à France Loisirs, je ne déteste pas — sans être du tout un spécialiste — de suivre ou de découvrir des auteurs de littérature de terroir, un peu au hasard ou par une opportunité d’achat.

Ainsi de Mireille Pluchard, d’abord publiée aux éditions de l’Écir, dans le Puy-de-Dôme, puis chez De Borée, et aujourd’hui éditée aux Presses de la Cité ; et de son roman, Le Puits Sans-Nom, à la fois saga familiale et récit historique autour des mines ouvertes dans les Cévennes au XIX^e siècle.

Dans Le Puits sans-Nom, qui se déroule entre 1830 et 1875, Mireille Pluchard, évoque plus précisément les puits d’exploitation minière mis en place près d’Alès (orthographiée Alais), correspondant à la création de lignes de chemin de fer pour acheminer bois et charbon, puis à l’installation d’une ville nouvelle, La Grand-Combe, avec la construction de quartiers ouvriers (des « casernes »), de cantines, d’écoles, d’églises, etc., conformément au paternalisme des entrepreneurs de l’époque.

Pour cela, Mireille Pluchard choisit deux familles : l’une, les Thérauve, paysans de la Vallée Longue, gardant toujours une activité paysanne mais allant travailler à la mine ; l’autre, les Maggiore, venant du Piémont, embauchés d’abord dans le bassin minier du Forez, descendus ensuite plus au sud.

Et, dans un des puits, l’aîné des Thérauve, Émile, est sauvé dans un éboulement par le chef de famille des Maggiore, Giuseppe (Pépino). Une amitié s’instaure, mais, Émile ayant perdu un bras, c’est son plus jeune frère, Julien (au départ, plutôt fasciné par les trains) qui le remplace à la mine, où, au puits Sans-Nom, il retrouve les Maggiore, avant d’épouser une de leurs filles, Anna…

Nous suivons ainsi les mariages et les naissances, ainsi que les différents emplois, en dehors de la mine et des parents à la ferme, connus par les enfants : le retour, après son accident, vers l’élevage de chèvres et l’estive pour Émile ; Suzannette Thérauve, devenant cuisinière au château des patrons ; une de ses sœurs servante ; une autre religieuse ; Anna employée de commerce, puis vendeuse au marché ; son frère, Giacomo, après avoir été licencié des Houillères, poseur de voies ferrées…

Mireille Pluchard, si elle mentionne les événements historiques (révolution de 1848, avènement du Second Empire), le racisme ou les grèves, passe sur eux très rapidement, souhaitant surtout raconter la suite des jours et les aléas domestiques, ne s’appesantissant pas sur les malheurs. Ce qui donne l’impression d’une littérature de bons sentiments, reposante et cultivant le fatalisme social.

Néanmoins, Le Puits Sans-Nom reste écrit avec soin et application, Mireille Pluchard recherchant par ailleurs une authenticité du langage et des mots régionaux, souhaitant en restituer la saveur et le souvenir, rejoignant dans ses compositions Jean Anglade ou Marie-Paul Armand.

Michel Sender.

[*] Le Puits Sans-Nom de Mireille Pluchard [Éditions de l’Écir, 2010 ; Presses de la Cité, 2017], FL éditions, Paris, novembre 2022 ; 512 pages. [France Loisirs reprend l’édition de la collection « Trésors de France » de 2017. En 2022, les Presses de la Cité ont réédité Le Puits Sans-Nom dans leur collection « Terres de France » avec l’ajout d’une nouvelle inédite : Estive cévenole.]