"Les Chats ne rient pas" de Kosuke Mukai

Publié le par Michel Sender

"Les Chats ne rient pas" de Kosuke Mukai

« Quand je sors, j’ai la surprise de découvrir que tout est soudain devenu blanc. Pour une fois, de gros flocons semblent être tombés sur Tokyo, recouvrant l’asphalte mais aussi les selles des bicyclettes alignées sur le parking découvert, les unités extérieures de climatisation sur les balcons du rez-de-chaussée, les plates-bandes de la maison d’en face et jusqu’aux fils électriques, surmontés de petites montagnes blanches. La veille au soir il bruinait, sans plus, et comme la neige tombe en silence, je n’ai rien remarqué. » [*]

 

Les Chats ne rient pas est le premier roman d’un scénariste japonais, né en 1977, Kosuke Mukai (nom : Mukai ; prénom : Kosuke).

Le fait que l’auteur ait écrit de nombreux scénarios se ressent dans le style behaviouriste du récit, qui, petit à petit, évolue vers une introspection plus développée, et, également, dans le choix de son personnage principal, Hayakawa, lui-même scénariste (exégète des théories de Syd Field), séparé depuis plusieurs années d’une femme réalisatrice de films, Mikita Renko.

Depuis leur séparation, Renko a épousé un journaliste, Miyata, sachant qu’elle avait gardé avec elle, Son (abréviation de Simpson, d’après le nom de l’alpiniste auteur de La Mort suspendue), un chat adopté dans un premier temps par Hayakawa et qui partageait leur vie.

Or, Son, gravement malade, va bientôt mourir. C’est la raison pour laquelle Renko reprend contact avec son ancien compagnon, qui, ému par les circonstances, accepte de s’en occuper et de venir le soigner au domicile de Renko et Miyata.

De là naît une situation inédite et ambiguë où, côtoyant de nouveau son ex-compagne et revivant avec le chat qu’ils aimaient ensemble, Hayakawa se retrouve abreuvé de souvenirs et se rappelle sans cesse son histoire d’amour avec Renko et comment Son est entré dans leur existence.

La présence continuelle de Miyata, le mari, crée également un malaise, une gêne bien naturelle, que, peu à peu, les trois personnages surmontent, soudés par la priorité donnée à l’accomplissement des derniers jours de Son.

Assez désabusé par son métier, Hayakawa ne va pas bien, il a sombré dans l’alcoolisme. Il fréquente de temps en temps une serveuse de bar, Mari, de son côté confrontée à une grave maladie de sa mère, mais il ne parvient pas à établir une relation durable avec elle.

La grave maladie et la mort du chat (traitées chacune comme celles d’une personne humaine, avec un traitement lourd de perfusions, puis une crémation et un enterrement avec cérémonie quarante-neuf jours plus tard) correspondent en réalité à un point d’étape pour Hayakawa, l’occasion d’un bilan et d’une remise en cause…

Le roman de Kosuke Mukai, Les Chats ne rient pas, très ancré dans la ville de Tokyo et le Japon contemporain, d’une grande simplicité d’écriture, nous touche par l’extrême profondeur psychologique qu’il acquiert au fil du temps et par le portrait désenchanté qu’il trace de la société moderne.

 

Michel Sender.

 

[*] Les Chats ne rient pas (猫は笑ってくれない Neko wa waratte kurenai, 2018) de Kosuke Mukai, roman traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako [éditions Picquier, 2020], collection « Picquier poche », éditions Picquier, Arles, janvier 2023 ; 208 pages, 8 € (couverture d’Alissa Levy).

"Les Chats ne rient pas" de Kosuke Mukai

Entre la première publication et la réédition en poche, l’image de couverture, identique, est inversée.

Publié dans Littérature

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