"Les Folies Françaises" de Philippe Sollers

« C’était le printemps, et je m’ennuyais. Je ne m’attendais pas au retour de Madame. Je l’appelle ainsi depuis notre rapide aventure il y a dix-huit ans. Madame m’aimait un peu, moi aussi. Elle fut enceinte. “Je veux garder l’enfant”, dit-elle. “D’accord, dis-je, mais pas d’histoires. — Bien sûr”, dit Madame. Elle accoucha d’une fille. “Je l’appelle France, dit-elle, vous n’y voyez pas d’inconvénients ?” À l’époque, j’étais anarchiste : ce choix me parut sur toute la ligne un défi et une réfutation de mes convictions. “Bonne chance”, dis-je. Madame disparut.

Allons vite à l’essentiel : Madame était riche. Son père était banquier, elle alla vivre à New York. Elle se maria, se démaria, se remaria, fit encore deux enfants (deux garçons), je recevais de temps en temps des nouvelles à travers des amis. Elle passa de New York à Genève. Le premier mari (un Américain) avait reconnu France avant de s’éclipser à son tour. De mon côté, j’avais ma vie, plutôt convulsive, en somme. » [*]

« Le roi Sollers » — comme l’appelait Marc Lambron dans son premier Carnet de bal (Gallimard, 1992) — vient de mourir.

Déjà les nécrologies fleurissent sur Philippe Sollers, écrivain controversé, à la fois adulé, et parfois (souvent) détesté.

Difficile d’en parler sérieusement, de ce Salvador Dali littéraire, très attachant par son talent, très décevant par ses futilités, au point de ne plus savoir si — l’histoire le dira — nous venons de perdre Victor Hugo ou Paul Bourget…

Ainsi de ce Folies Françaises, roman très mauvais, dédié à Antoine Gallimard et orné d’une épigraphe de Marcel Proust :

« Ce beau velours inimitable des années, pareil à celui qui dans les vieux parcs enveloppe une simple conduite d’eau d’un fourreau d’émeraude. »

Michel Sender.

[*] Les Folies Françaises de Philippe Sollers, éditions Gallimard, Paris, mai 1988 ; 132 pages, 70 F (broché sous jaquette).

Philippe Sollers (1936-2023)