"Je serais folle de vous si je ne l'étais d'un autre" - Correspondance de George Sand et Eugène Delacroix

Publié le par Michel Sender

"Je serais folle de vous si je ne l'étais d'un autre" - Correspondance de George Sand et Eugène Delacroix

« LETTRE 1 — À Eugène Delacroix

[Paris, 20 novembre 1834]

Je suis trop malade aujourd’hui pour aller vous ennuyer de ma triste figure. Voulez-vous, Monsieur, que nous remettions la séance à demain ? Je tâcherai de vous faire achever ce portrait 1.

C’est pour moi une occasion de vous connaître et il y a longtemps que je désirais cet honneur-là.

Votre serviteur

George Sand

Jeudi.

[Adresse :] Monsieur Eugène Delacroix/Quai Voltaire, 15

  1. Premier portrait de George Sand par Delacroix ; commande de Buloz pour sa Revue des Deux Mondes. » [*]

 

Je connaissais le Journal, admirable, d’Eugène Delacroix, mais j’ignorais totalement sa correspondance et notamment celle avec George Sand, par ailleurs auteure d’innombrables lettres.

C’est pourquoi j’ai sauté sur le petit volume édité par Danielle Bahiaoui, secrétaire générale des Amis de George Sand, malicieusement intitulé Je serais folle de vous si je ne l’étais d’un autre (extrait d’une lettre de George Sand à Eugène Delacroix de septembre 1838) et donnant leurs échanges épistolaires entre fin 1834 (l’année d’un magnifique et extraordinaire premier portrait d’elle réalisé par le peintre) et juillet 1863 (Delacroix mourut en août de la même année).

Nous suivons ainsi trente ans de mutuelle admiration et d’une amitié très forte, avec des intensités variables : en 1847, la brouille de George Sand avec sa fille Solange puis sa rupture avec Frédéric Chopin (que de son côté Delacroix continua de fréquenter) marquent comme une cassure, de même que la Révolution de 1848 (Sand et Delacroix n’eurent pas les mêmes engagements), mais sans que leur relation cesse.

En effet, Eugène Delacroix avait séjourné à plusieurs reprises à Nohant jusqu’en 1847 puis, ensuite, sous diverses excuses, n’y revint pas. Il faut dire qu’il résida de plus en plus dans sa propriété acquise à Champrosay, se contentant de rencontrer George Sand et ses proches à Paris.

Après la mort de Chopin, Sand et Delacroix correspondent entre eux essentiellement à l’occasion d’expositions, d’envois d’œuvres (par exemple illustrées par Maurice Sand), d’invitations à des représentations théâtrales (George Sand, à une époque, écrivit beaucoup pour le théâtre et entre autres adapta en français Comme il vous plaira de Shakespeare) ou lyriques (Pauline Viardot, amie de George, est très présente) puis au sujet des volumes d’Histoire de ma vie ou de livres suivants…

Parfois espacée, souvent seulement de courts mots de rendez-vous ou de remerciement, toujours sociable et affectueuse, la correspondance entre George Sand et Eugène Delacroix, pourtant pleine d’énergie vitale, atteint, à des moments de crise (surtout lors du dilemme familial de George Sand, le reste du temps plutôt pudique), des accents dramatiques ou mélancoliques.

 

Michel Sender.

 

[*] Je serais folle de fou si je ne l’étais d’un autre, Correspondance de George Sand et Eugène Delacroix, préface, édition et notes de Danielle Bahiaoui, collection « Le Passeur Poche », Le Passeur éditeur, Paris, juin 2019 ; 384 pages, 10,90 €.

George Sand par Eugène Delacroix (1834)

George Sand par Eugène Delacroix (1834)

Publié dans Littérature

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