"Victoire" d'Henryk Grynberg ou la tragédie des juifs polonais

Publié le par Michel Sender




Les éditions Folies d’encre, installées à Montreuil et très discrètes (elles n’ont pas semble-t-il de site Internet), ont réédité en début d’année (après California Kaddish en 2007) deux récits exceptionnels, sous le titre de Victoire [*], de l’écrivain polonais Henryk Grynberg, né en 1936 à Varsovie et réfugié aux États-Unis depuis 1967.


Victoire
précédé de La Guerre des Juifs (en 1994, les éditions Balland avaient préféré La Guerre des Juifs suivi de Victoire) regroupe en effet deux récits qui se complètent et se comprennent absolument l’un avec l’autre, l’un paru en Pologne en 1965 et l’autre publié en exil en 1969 (en l’occurrence, d’ailleurs, à l’Institut littéraire polonais du Mesnil-le-Roi, en France, dans la région parisienne).


Le premier, La Guerre des Juifs (Żydowska wojna, que l’on pourrait traduire avec autant d’ambiguïté La Guerre juive), raconte ironiquement la guerre vécue par les juifs en Pologne et est un hommage bouleversant à ses parents (les deux parties s’intitulent Mon père et Ma mère) qui ont tout fait pour survivre, dans des conditions terribles, au désastre de la guerre et à l’antisémitisme épouvantable des Polonais.


La partie consacrée à son père évoque essentiellement la campagne, où ils vivaient, et la quête incessante de cachettes (dans les bois, dans des granges, chez des fermiers…), la plupart du temps moyennant finances (il a « placé » son argent et ses biens chez différentes personnes) et toujours à la merci de trahisons mortelles (les exemples abondent) et de fuites continuelles. Ensuite, il vivra seul à la campagne et sera assassiné d’un coup de hache quelques mois avant la fin du conflit…


Car sa femme et son fils (leur deuxième enfant, encore bébé, n’a pas survécu), avec de faux papiers, sont partis pour la ville et, là, c’est l’obsession de sa mère de se fondre dans la masse, d’enlever de son langage toute expression yiddish, de se dire femme d’un soldat prisonnier polonais dont elle s’envoie de fausses lettres, d’inscrire son fils au catéchisme, de lui inculquer le secret (surtout, qu’il ne fasse pas pipi en public !) et la méfiance, etc.


Et l’enfant subit cela sans bien comprendre, note des situations bizarres ou burlesques avec une naïveté apparente et, finalement, déteste être juif ! À partir d’événements terrifiants, Henryk Grynberg garde un ton d’une extraordinaire acuité critique mais sans aucun manichéisme : le départ des Allemands et l’arrivée des Russes donne lieu à des passages surréalistes…


Victoire
(Zwycięstwo, paru en 1969 à l’étranger puis revu en 1990) évoque alors (et, à nouveau, quelle dérision dans le titre !) l’immédiat après-guerre et les désillusions définitives devant l’antisémitisme (que, pourtant, le communisme était censée faire disparaître) toujours aussi infernal des Polonais.


De retour dans leur village, leur maison a été occupée et partagée en toute illégalité, personne ne se souvient de l’argent « prêté », ne sait qui a tué le père (aucune enquête n’est ouverte malgré leurs démarches), on les tient à part, des milices sévissent, il y a les troupes russes tout justes tolérées, les communistes polonais haïs, la déloyauté des juifs eux-mêmes entre eux, etc. Un effondrement total de toutes les valeurs, presque pire que la guerre ! Devant ces situations invivables les départs des juifs pour la Palestine, Israël ou ailleurs se multiplient…


Ces deux récits (un livre en fait unique) d’Henryk Grynberg, pourtant empreints d’une profonde et incommensurable humanité et d’un humour irrépressible et naturel, jamais pontifiants et, au contraire, d’une grande élégance de style, composent un témoignage intraitable et kafkaïen sur la destinée des juifs polonais, sur l’horrible et tragique condition qui leur fut faite. Il faut le lire absolument !


Michel Sender.


[*] Victoire (Zwycięstwo, 1969 et 1990), précédé de La Guerre des Juifs (Żydowska wojna, 1965) d’Henryk Grynberg, traduit du polonais par Laurence Dyèvre (première publication : éditions Balland, Paris, 1994), éditions Folies d’encre, 9, avenue de la Résistance, 93100 Montreuil, dépôt légal : octobre 2008, diffusé en janvier 2009 ; 232 pages, 15 euros.


 

 

 


California Kaddish
(Kadisz, 1987) d’Henryk Gryndberg, traduit par Malgorzta Smorag-Goldberg (première parution : Balland, 1991) a également été réédité chez Folies d’encre en 2007.

Publié dans Littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
coucou mon ami! ce livre racontant la vie des Juifs polonais doit être bouleversant à lire, moi il y a un livre dont je t'avais parler que j'aime bcp lire et qui relate la vie d'une jeune juif...Anne Franck....voilà pour moi le dernier jour des vac. demain se sera la reprise..alors cet aprèm je vais profiter de mes dernières heures de repos...douce et agréable journée..bisous fort bisous du coeur
Répondre
T
L'humour, c'est la meilleure arme des juifs, celle qui les a toujours sauvés.
Répondre
G
coucou mon ami! me voici de retour de mes vac. avec pleins de souvenirs en tête je ferais un diapo de mes photos souvenirs...sa fait du bien de venir se détendre sur ton blog en lisant des extrait de livre..douc eet agréable journée..gros bisous
Répondre