Claude Berri par Nathalie Rheims
« Écrire nos mémoires une fois morts : laisse-moi le faire tant qu’une partie de moi demeure, pour ajouter ma trace, mes couleurs, mes traits, ma vision de ton être. Écrire ton portrait. Laisse-moi ajouter ces pages aux tiennes, à celles où tu te dévoiles, dans cette intimité qui se crée entre celui qui lit et celui qui écrit, et dont tu dis, à la fin de ton livre, qu’elle est “une chose unique”. »
Nathalie Rheims parle d’Autoportrait (chez Léo Scheer et au Livre de Poche), le seul livre écrit par Claude Berri et où, dans un puzzle volontairement décousu, il évoquait sa vie, une vie par ailleurs largement reprise (du Vieil Homme et l’enfant à L’un reste, l’autre part, en passant par Le Cinéma de papa, Mazel Tov, Le Pistonné, Sex-shop ou La Débandade) dans ses films.
C’est à l’occasion de l’écriture de L’Un pour l’autre (éditions Galilée et « Folio »), une reconstitution extrêmement talentueuse et émouvante de l’homme et de l’acteur Charles Denner, que Nathalie Rheims rencontra pour la première fois, dans des circonstances dramatiques (son fils Julien venait d’avoir un grave accident) et pour ne plus le quitter jusqu’à sa mort, Claude Berri (de son vrai nom, Claude Langmann).
Dans Claude [*], Nathalie Rheims revient sur ces dix ans de vie commune (« Dix ans déjà ! Je n’ai pas vu le temps passer, il s’est enfui, comme toi désormais », écrit-elle) et sur sa disparition brutale, en janvier dernier, au tout début d’un nouveau film.
Comme une thérapie personnelle, Nathalie Rheims déroule le lamento classique de cette perte (« Écrire pour les autres, pour ceux qui t’ont aimé, écrire ta mort, c’est comme écrire après la mienne », conclut-elle), dans une écriture intime et sobre qui caractérisait déjà L’Un pour l’autre, portrait en creux et indirect (comme dans une quête symbolique) d’une personnalité méconnue et charismatique.
Ici, Claude Berri-Langmann, marqué par ses dépressions et la maladie (le diabète et un premier accident vasculaire cérébral sévère), revit dans un appétit insatiable de connaissance et d’acquisition d’œuvres d’art nouvelles, une recherche continuelle de talents et de créations, une volonté totale (quand il allait mieux) de maîtriser le monde et les choses…
Et, dans son livre, Nathalie Rheims, devenue elle-même productrice de cinéma, tente de prolonger ce témoignage et de poursuivre son travail, notamment à travers la continuation de Trésor, le film dont il avait commencé le tournage quelques jours avant sa mort et dont, avec tous ses collaborateurs et le réalisateur François Dupeyron, elle termine le « montage » jusqu’au bout, de la production aux bandes-annonces et à la promo.
Petit pincement à la lecture de Claude, livre sorti en même temps que le film, Trésor ne semble pas recueillir (mais est-ce la première fois pour un des films de Claude Berri ?), d’après ce que j’en ai lu dans la presse hebdomadaire, beaucoup de critiques favorables…
Michel Sender.
[*] Claude de Nathalie Rheims, éditions Léo Scheer, Paris, novembre 2009 ; 128 pages, 14 €.