La Raiponce du conte des frères Grimm
« Il était une fois un homme et une femme qui connaissaient enfin le bonheur d’attendre un enfant. Derrière leur maison, il y avait un jardin appartenant à une terrible magicienne. Or il arriva que la femme y aperçut ces magnifiques fleurs que l’on nomme "raiponces". De ce moment, elle perdit complètement l’appétit. »
J’avais eu un moment d’hésitation devant le titre du conte qui, curieusement, ne me disait rien. Raiponce ? Une espèce de campanule avec laquelle on faisait des salades.
Une plante qui provoque une terrible envie d’en manger à la femme enceinte du conte, au point que son mari ne peut en obtenir qu’au prix de livrer l’enfant qui naîtra à la magicienne propriétaire du jardin !
L’enfant, une petite fille, sera ainsi donnée à une sorcière et prénommée Raiponce, du nom de la plante enchantée…
Raiponce (Rapunzel) est bien le douzième des Contes pour les enfants et le foyer (Kinder- und Hausmärchen) de Jacob et Wilhelm Grimm, une place qui restera inchangée entre la première édition de 1812 à Berlin et la dernière de 1857, à Göttingen.
Le temps passe. On retrouve Raiponce, enfermée, à l’âge de douze ans, dans une tour n’ayant ni porte ni escalier, et à qui la sorcière rend visite en lui demandant de dérouler sa longue chevelure par la fenêtre : « – Raiponce, Raiponce, laisse descendre tes cheveux… »
(« Raponcelle, Raponcelle,
de tes cheveux fais une échelle », ai-je envie de traduire.)
Quelques années plus tard, un jeune chevalier, du passage découvre le moyen et s’introduit chez la belle. Surpris par la vieille et méchante sorcière, ils erreront chacun séparément dans le désert avant de se retrouver enfin pour vivre ensemble. (Entre-temps, Raiponce aura eu deux jumeaux et elle guérira la cécité de son bien-aimé par ses propres larmes !)
Raiponce (même s’il figure en bonne place dans la traduction intégrale réalisée par Armel Guerne chez Flammarion en 1967 pour la collection « L’Âge d’or » d’Henri Parisot) n’est pas en France le plus connu des Contes des frères Grimm.
Mais, en cherchant un peu, je me suis aperçu que dans la traduction des Contes de Grimm par Pierre Durand aux éditions Gründ (illustrée par Jiri Trnka et reprise au Livre de Poche dans la collection « Nouvelle approche » en 1987), Raiponce avait été traduit tout simplement par Doucette, la femme enceinte du début aimant beaucoup la salade de mâche, ce qui est plus pratique en français et qui nous donne par ailleurs :
« Doucette, Doucette,
De tes cheveux fais une chaînette. »
Comme quoi, la mémorisation d’un conte tient à peu de chose…
Ceci dit, dans les pays anglo-saxons, Rapunzel a gardé son nom d’origine et les studios Disney annoncent le dessin animé Princesse Raiponce pour décembre 2010 !
Michel Sender.
[*] Raiponce des frères Grimm, adapté par Anne Royer, illustré par Princesse Camcam, collection « Minicontes classiques », éditions Lito, Champigny-sur-Marne, septembre 2009 ; 16 pages, 1,99 €. www.editionslito.com